
Peintres, photographes, graphistes, écrivains littéraires ou scientifiques, réalisateurs vidéos, les créateurs du Vent du large vous présentent leurs oeuvres.
5ème épisode
LA PORTE DES ETOILES
Là où une porte se ferme, l'autre s'ouvre.
La porte des étoiles est petite, mais parfois, j'utilise mon télescope avec
appréhension pour regarder la constellation du Cygne. Scrutant l'univers après avoir
vu un instant l'étoile Deneb, je sais qu’à cet endroit-là il y a un portique et que c'est
une faille spatio-temporelle qui rejoint cent vingt galaxies dont la mystérieuse galaxie
M33. Je connais l'existence de la planète Yi-dith, la planète des Sages-psi ou alors
« Profs de gym ».
Voici donc l'apparition très rapide des « Profs de gym » à qui il fallait dévouer une
parfaite correction et politesse dans l'attente de leurs services éventuels. J'imagine
que c'étaient des anciens êtres humains, vieillis, éduqués et considérés comme
érudits, capables d'avoir des mouvements très complexes et de communications
entre eux par talkie-walkie, des gestes très rapides et voués à la cause de l'homme.
Quel âge pouvaient-ils avoir ? 200000 ans, 300000 ans, 400000 ans ? Ceci est très
difficile à imaginer et actuellement ils doivent exister encore sous la domination
physique d'un dieu qui les dirige.
Les Sages-Psi sont d'horribles extraterrestres dont le corps mesure sept à huit
mètres de long, de couleur vert-marron, munis de talkies-walkies et toujours à
discuter et prononcer ces mots : « Que désirez-vous ? Que voulez-vous pour vous
servir ? ». Après avoir vu ces extraterrestres, une peur terrifiante s'empara de moi
car je compris, un court instant que ces extraterrestres étaient une apparition
merveilleuse du Diable. Ce que je voyais était en réalité une apparition surnaturelle :
« Que voulez-vous ? Que désirez-vous pour vous servir ? » telle était la tentation des
extraterrestres. Dans cet univers, des voûtes célestes encadraient ces remparts
étoilés, et des personnages, des drôles de bonshommes à l'aspect remuant vibraient
ensemble (car rien ne se repose, tout vibre, d'après le principe de Vibration un
principe hermétique contenu dans l'innommable Kybalion, un livre que je possède
encore dans ma bibliothèque). Comme c'était un livre de magie noire, il devait me
mettre en rapport avec le Diable. Je pris un couteau et je m'entaillais l'index gauche,
je pris un stylo à plume que je remplis avec mon sang et je couvris quelques notes
de ce sang. Concentré sur mon télescope, ces phases d'attente interminables
pendant lesquelles je surveillais les étoiles, je notai tout sur cette planète
énigmatique, pourvu qu'un autre relisant mes textes soit informé des dangers que
courent les terriens. J'entendais des voix : « Prends cette pilule et agis ! ». Quand on
ne comprend pas, il se produit un phénomène de déperdition intellectuelle et cela
crée un sentiment à mi-chemin entre la curiosité et la peur panique. J'avais compris.
Inexorablement les Sages-Psi allaient envahir la planète, peut-être même le Diable.
Certaines personnes étaient « aspirées » et dans leurs neurones se greffait l'être
extraterrestre. Les gens entraient-ils alors en relation avec le Diable eux aussi ? C'est
alors que je ressentis une terrible envie de me sentir protégé et me faire hospitaliser
en hôpital psychiatrique.Je fis un terrible combat contre les voix des Sages-Psi. Je marchais dans la rue en
prenant des attitudes de défense : « Non ! Non ! Je ne veux pas vous obéir. Je ne
désire rien. ». Leurs voix ne me menaçaient pas vraiment mais pourtant je sentais
une terrible pression s'exercer sur mon cerveau. Comme si la foule environnante
luttait contre moi. Certaines personnes avaient-elles été converties par les Sages-
Psi. Je ne saurais le dire. Mais je me sentais oppressé par les gens. Je me mis à
marcher de plus en plus vite et puis à courir. Je me mis à courir progressivement. Je
courrais à un rythme lent. J'oubliais leurs voix, et ce n'était plus qu'un souvenir
lointain.
Je compris bien plus tard pourquoi j'avais si peur des extraterrestres.
Scientifiquement parlant ils venaient des confins de l'univers et depuis la planète Yi-
dith. Là-bas, le temps n'existait pas et ils pouvaient se faufiler dans les failles de
l'univers observable jusqu'à apparaître et demander ce qu'on veut ce qu'on désire et
ces monstres étaient capables d'envahir la planète. Alors ils représentaient le Diable
dans mon esprit. C'était la transposition du Jardin d'Eden avec la tentation du fruit
défendu « malum » en latin. Le Diable est le mal dans la cinquième dimension, la
dimension du bien et du mal. Ils avaient l'intention de voler le temps. Ainsi leur voix
m'envahissaient et ce qui me manquait justement c'était le temps de penser. Quoique
je puisse très bien comprendre leurs voix, je n'avais pas le temps de formuler, en
toute politesse un souhait ou un désir. J'étais donc transi d'effroi, sachant que cette
célérité apparente allait se propager depuis la planète Yi-dith jusqu'à la terre à une
vitesse infinie ! Je n'avais pas le temps de comprendre leurs phrases et voilà
pourquoi je courrais dans la rue : je voulais aller de plus en plus vite !
Je savais. Les Sages-psi avaient de toute façon gagné. Ils avaient volé le temps. Ils
avaient envahi la planète et maintenant ils étaient en mesure de communiquer avec
moi. J'étais en mesure de communiquer avec eux et leur secret m'était désormais
connu. Tout reposait sur la politesse : « Que désirez-vous ? Que voulez-vous pour
vous servir ? ». Ne sont-ce pas des formules à la fois aimables et prévenantes ?
Quelle gentillesse! Mais même si leurs propos étaient somme toute agréables je
ressentais un doute insupportable. Pourquoi avais-je peur ?
Le soir je repense à Yi-dith, l'inconnue, la cité contenue dans un arcane bleu azuré.
Quand j'éteins la lumière de mon minuscule appartement je vois apparaître un
portique des étoiles. De grandes colonnades dorées surgies de l'abîme laissent
entrevoir un passage, un lieu secret une sorte de corridor où le temps s'est figé.
«Ô temps suspend ton vol ! Et vous, heures propices suspendez votre cours.
Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! »
Je crois en la théorie de la métempsychose. Je laisse un instant le lecteur croire que
j'ai signé un pacte avec le Diable. Il n'en n'est rien. Après ma mort, je découvrirai
l'assassin de Kennedy. C'est un petit bonhomme : l'homme des foules, une aiguille
perdue dans une botte de foin. Saint-Pierre dira : « Vous êtes parfait. Je ne vous fais
aucun reproche. » Je répondrai « Oui j'ai découvert la petite ficelle, » Saint-Pierre
dira « Quelle petite ficelle ? ». Je lui dirai « Dieu jugera mieux que vous. Appelez
Dieu et je lui dirai en personne. » Dieu viendra et je lui dirai : Je veux revenir sur
Terre et me réincarner sous le nom de Slatley Barfirst. Comme cela je retrouverai
l'assassin de Kennedy. »
Oui bien sûr, Slatley Barfirst avait bien des raisons de craindre la police. En effet, unjour qu'il était innocent de tout crime elle l'avait amené depuis un bar dans le
commissariat du 15ème arrondissement peut-être parce que la veille il avait piqué
une grosse colère contre sa belle-mère. On l'avait ensuite conduit à l'hôpital
psychiatrique et il avait repris la cigarette à cause du traitement qui lui avait été
infligé. Ce déboire là, il ne le méritait pas. Mais devant l'homme qui s'était présenté
à lui, un exhibitionniste qui fumait des mégots par terre, qui demandait des cigarettes
à chaque patient, il se sentit intrigué. Il racontait des tas d'histoires sur lui. Il racontait
son passé. Il faut croire qu'il avait bourlingué aux États-Unis, il avait même raconté
qu'il avait été le chauffeur-livreur du président Kennedy. Il avait une manière de
respirer bizarre, un peu comme s'il projetait de l'air au visage. La terrible injustice
dont était victime Slatley Barfirst, d'être mis en contact avec des malades mentaux
avait été compensée. Car plusieurs années après, en effet, il avait revu ce malade
et la télépathie (la télépathie à elle-seule) lui avait permis de découvrir qu'il était
l'assassin de Kennedy. N'aurait-il pas organisé « September 11 » à lui tout seul ?
Pure spéculation intellectuelle... Chronologiquement parlant, Slatley Barfirst avait
d'abord appris qu'il était le chauffeur-livreur de Kennedy et six ans après, il avait
compris qu'il était l'assassin de Kennedy après l'avoir rencontré un jour, par pur
hasard parmi les patients. Donc il n'aurait pas pu réaliser tout de même ce tour de
force « September 11 » ce serait impossible chronologiquement parlant puisque
Slatley Barfirst l'aurait découvert en 2007 seulement !
Souvent Slatley Barfirst pensait même au jugement dernier. Saint-Pierre sera là pour
dire : « Vous avez tort. Les souffrances que vous avez endurées sont élevées.
Cependant vous êtes parfait, ce qui vous échappe est une erreur que Dieu jugera
mieux que moi. À Dieu de juger si c'est vraiment lui l'assassin de Kennedy. Slatley
Barfirst resta stupéfait. Oui c'est ce petit bonhomme avec une cigarette qui avait tué
Kennedy. Il réclamait des cigarettes. L'homme des foules. Une aiguille dans une
botte de foin !