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LA CRÉATION DE L'HOMME
Mythologie grecque, par ZOLTAN
Les origines (2/2) : la naissance des hommes
Dans le numéro de Sillages spécial Mythologie, nous avons vu comment, dans la mythologie grecque, l'on est passé du Chaos primordial à l'instauration d'un cosmos gouverné par Zeus. Nous verrons dans ce numéro comment l'homme est apparu.
Résumé de la première partie
L'univers est né du Chaos. Ce Chaos a engendré Gaïa la Terre, qui elle-même a engendré Ouranos le Ciel.
De l'union du Ciel et de la Terre sont nés les Cyclopes, les Hécatonchires, ainsi que les Titans.
Mais Ouranos haïssait ses enfants monstrueux (Cyclopes et Hécatonchires), et les empêchait de sortir de terre. Aussi Gaïa a-t-elle demandé à son plus jeune fils Cronos, l'un des Titans, de la débarrasser de lui. Cronos émascula son père et Ouranos se détacha de Gaïa. Cronos fut ainsi le premier roi des dieux. Mais par peur d'être détrôné à son tour, il avala tous les enfants que sa sœur et femme Rhéa lui donnait. Tous sauf un : Zeus. Celui-ci donna un vomitif à son père qui lui fit régurgiter ses cinq autres enfants. Les six premiers Olympiens étaient nés. Ce fut le début d'une guerre entre Zeus et ses frères et sœurs d'un côté, et Cronos et les Titans de l'autre.
Après avoir vaincu les Titans et les avoir emprisonnés au Tartare, Zeus devint roi des nouveaux dieux, et il y eut un partage du monde entre les dieux, soit par le hasard soit suivant le sens de la justice acquis par Zeus de son précédent mariage avec Thémis.
Puis il épousa Héra, et connut d'autres aventures avec des déesses ou des mortelles. Unions qui donnèrent naissance à des dieux ou des demi-dieux. Seulement Gaïa vengea ses enfants Titans en engendrant d’abord les Géants, puis le monstre Typhon.
Les Olympiens vainquirent ces deux périls, et Zeus comprit l'inquiétude de Gaïa en laissant subsister une parcelle de désordre dans un monde à présent ordonné et où les rôles étaient distribués selon un partage équitable.
Mais les hommes n'avaient pas encore été créés.
La naissance de l'homme : Prométhée et Pandore
Prométhée était un Titan né de Japet et de Clymène. Il avait pour frères Atlas,
Épiméthée et Ménœtios. Contrairement à son frère Épiméthée qui ne voyait
les choses qu'une fois qu'elles s'étaient produites, Prométhée, quant à lui,
pouvait les anticiper. Ayant ainsi prévu la victoire de Zeus sur les Titans,
il fut un des rares Titans avec son frère à se ranger aux côtés de Zeus lors de la Titanomachie.
Après la victoire des Olympiens, le monde devint paisible. Très paisible. Trop paisible. Les dieux,
Zeus le premier, s'ennuyaient... à mourir. Le roi des dieux demanda alors à son fils Héphaïstos
d'inventer quelque chose qui soit capable de distraire les dieux. Le dieu-forgeron réfléchit longuement,
puis il demanda l'aide de tous les dieux, pour associer tous les éléments et créer les êtres vivants, les animaux et les hommes, uniquement des mâles.
Mais quelles qualités fallait-il leur attribuer ? Prométhée et Épiméthée furent choisis pour en décider. Épiméthée supplia son frère de le laisser choisir seul, ce que Prométhée eut la faiblesse d'accepter. Épiméthée distribua alors les meilleurs dons sans trop y réfléchir : force, rapidité, plumes, poils, ailes,coquilles, etc. Les animaux formaient alors un monde ordonné et équilibré, ce que les Grecs appellent un cosmos. Mais il ne restait plus aucune qualité à attribuer pour les hommes. Épiméthée les avait toutes épuisées. L'homme était nu. Pas de griffes, pas de carapace, pas d'écailles, rien ne le protégeait des divers dangers de la nature. Épiméthée regretta son erreur et appela son frère Prométhée. Celui-ci donna aux hommes une forme plus noble que les animaux en les faisant se tenir debout (à l'image des dieux!). Puis il alla voir Zeus pour demander le feu pour les hommes. Zeus accepta alors que les hommes profitent du feu divin qu'il déchaînait sur la cime des arbres, il leur suffisait juste d'y grimper pour le récolter. Les hommes vécurent alors en harmonie avec les dieux. C'était l'âge d'or.
NB : Dans d'autres versions, c'est Prométhée lui-même qui sculpte l'homme dans de l'argile (ou de l'eau et de la terre) et Zeus (ou Athéna) qui lui insuffle la vie de son souffle divin.
Puis vint un temps où Zeus finit par se lasser des hommes. Il voulait rétablir une hiérarchie : lui d'abord, puis les dieux, et enfin les hommes. Dans la plaine de Mécôné, il organisa un grand banquet. Il demanda que les hommes lui sacrifient un bœuf et lui en réservent la plus belle part. Contrairement aux autres dieux, Prométhée n'approuva pas ce choix. Il décida de berner Zeus. Le roi des dieux aurait la plus belle part, certes, mais une part constituée d'os et de graisse dissimulée. Alors que les hommes auraient la part succulente mais dissimulée dans la panse malodorante de la bête. Zeus s'aperçut de la supercherie et dans sa fureur choisit de punir les hommes pour le crime de Prométhée. Il commença par leur cacher le blé. Désormais, pour survivre, ils devraient travailler la terre pour en extraire les semences et se nourrir. Puis il leur confisqua le feu. Il leur fut désormais impossible de cuire leurs aliments, de s'éclairer, de se réchauffer et de se défendre contre les bêtes féroces. Prométhée prit alors la décision de voler ce feu que Zeus leur avait confisqué. Il plaida auprès d'Athéna la cause des hommes, punis pour une faute qu'ils n'avaient pas commise. La déesse aux yeux pers (ainsi que les Grecs surnomment Athéna en raison de ses beaux yeux bleus) le laissa entrer secrètement dans le palais de Zeus, puis il vola le feu qu'il dissimula dans une tige creuse de fenouil, ainsi que les arts. Zeus finit par s'en apercevoir, et décida alors e châtier Prométhée.
Mais d'abord il fallait punir l'homme, qui, par son hybris, sa démesure, à présent détenteur du feu et des arts, était alors à même de renverser l'ordre du monde. Zeus imagina pour eux un piège d'une subtilité éclatante. Il demanda à Héphaïstos de forger une femme en argile. Chacun des dieux lui apporta un présent : Aphrodite lui fit don de la grâce et de la séduction, Athéna lui donna de beaux vêtements, les Heures la parèrent d'une couronne de fleurs, les Grâces lui offrirent des colliers, Hermès lui conféra un esprit menteur et manipulateur, un appétit pour les choses du sexe jamais rassasié, et de la curiosité. On la nomma Pandore. Son nom peut signifier qu'elle a reçu tous les dons, ou bien qu'elle est le cadeau que tous les dieux font aux hommes. Puis Zeus souffla pour lui insuffler la vie. Pandore fut donc l'ancêtre de toutes les femmes, la réponse de Zeus à Prométhée, un feu voleur contre un feu volé. Une punition telle que les hommes seraient irrésistiblement attachés à leur propre châtiment. Il ne restait plus qu'à la placer dans le lit d'un homme. Zeus la fit porter par Hermès à Épiméthée. Prométhée qui voyait tout l'avait pourtant adjuré de refuser tous les présents de Zeus. Mais ce fou d’Épiméthée la demanda en mariage. Zeus lui confia enfin une boîte, recommandant à Pandore de ne surtout jamais l'ouvrir.
Mais bien sûr Pandore désobéit. Une fois la boîte ouverte, tous les maux s'en échappèrent : le désespoir, le mensonge, la pauvreté, la jalousie, tous les crimes, tous les chagrins, la faim, la soif, les maladies, la vieillesse, la mort.
La punition de Zeus constituait l'exacte réponse à la duperie de Prométhée. Une punition symbolique au sens premier du terme. Le symbolon est ce qui rassemble, tel une pièce de monnaie qu'on aurait brisée en deux parties irrégulières et qu'on réunirait pour se reconnaître. Le Titan avait dissimulé la véritable nature des choses, lors du partage de Mécôné (viande dissimulée dans la panse du bœuf) et lors du vol du feu (feu dissimulé dans du fenouil) ? Qu'à cela ne tienne, Pandore dissimulerait une nature maléfique derrière une allure magnifique. Les hommes seraient désormais condamnés à ensemencer le ventre de la femme s'ils voulaient se reproduire, et la terre s'ils voulaient se nourrir. Le bien et le mal étaient à présent mêlés. Effrayée, Pandore referma la cassette, y emprisonnant la dernière chose qui ne s'en était pas échappée : l'Espérance, qu'Hermès avaient placée en catimini dans la boîte à l'insu de Zeus. Il semble que pour les Grecs l'Espérance était perçue comme un mal, car elle était non seulement la marque du désir et donc du manque, mais aussi un lien qui nous empêche d'être dans le temps présent.
Restait pour Zeus à punir Prométhée.
Afin de faire un exemple, il l'enchaîna à un rocher du Caucase, ordonnant à un aigle de venir chaque jour lui dévorer le foie, celui-ci se reconstituant chaque nuit. Mais si Zeus ne le tuait pas, c'est parce que le Titan détenait un secret. Un secret vital pour Zeus. Chaque jour, Prométhée était interrogé, mais chaque jour il refusait de parler. Le supplice dura des milliers d'années.
Puis vint le moment d'en finir. Zeus chargea son fils mortel Héraclès d'abattre l'aigle d'une de ses flèches et de déchaîner Prométhée.
prométhée, par Gustave Moreau Jupiter et Thétis, par Ingres
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Celui-ci dévoila alors son secret : si Zeus épousait la néréide Thétis, leur enfant serait un fils qui serait plus puissant que Zeus et finirait par le détrôner.
Zeus mit fin aussitôt à sa relation avec Thétis et lui intima d'épouser un mortel. Plus tard elle épouserait le mortel Pélée, union d'où naîtrait le héros Achille.
Les cinq âges de l'humanité
Dans la mythologie grecque, l'humanité a connu cinq périodes : l'âge d'or, l'âge d'argent, l'âge de bronze, l'âge des héros, et enfin l'âge de fer.
La race d'or est créée par Zeus. Les hommes vivent en harmonie avec les dieux. La justice (Dikè) gouverne leurs vies. Ils ne se reproduisent pas, car ils sont « semés » par les dieux. Ils ne redoutent pas la mort. Leur mort est douce, et quand ils meurent, ils sont changés en génies bienveillants qui viennent dispenser les richesses aux vivants.
La race d'argent se montre coupable d'hybris, cette démesure qui fait tant horreur aux Grecs. Pour la première fois, les humains connaissent le mal et la douleur. Ils sont les premiers agriculteurs, car pour la première fois, les hommes doivent creuser la terre pour obtenir le blé. Cette race ne rendant aucun hommage aux dieux, Zeus se voit contraint de l'ensevelir.
La race de bronze est aussi coupable d'hybris. Ce sont des guerriers issus des frênes qui finissent par s’entre-tuer.
La race des héros est également constituée de guerriers, mais c'est une race plus juste et plus brave. L'âge des héros voit la plupart de ses membres mourir lors de la guerre des sept chefs à Thèbes, puis lors de la guerre de Troie.
Enfin, l'âge de fer est l'époque actuelle. Le bien et le mal sont mêlés. Les hommes complotent, torturent, violent les lois de l'hospitalité.
Le déluge de Deucalion
Lycaon était un roi réputé pour son mépris des dieux. Zeus le mit à l'épreuve en se faisant passer pour un mendiant. Le roi l'invita à sa table, où il lui servit de la chair humaine, son propre fils Arcas. Selon une autre version il s'agit d'un otage molosse, un peuple associé à Zeus.
Furieux que Lycaon ait ainsi enfreint les règles de l’hospitalité, Zeus le changea en loup et foudroya ses cinquante fils, puis ressuscita Arcas afin que celui-ci devînt roi. Certains auteurs voient en Lycaon l’ancêtre des lycanthropes (loups-garous).
La conduite de Lycaon rendit Zeus tellement furieux que celui-ci abattit sur les humains des pluies torrentielles, le déluge.
N'y survécurent que Deucalion, fils de Prométhée et de Pronoia (ou de Clymène suivant les versions), et sa femme Pyrrha, fille d’Épiméthée et de Pandore. Deucalion et Pyrrha se réfugièrent sur le mont Parnasse.
L'oracle de Thémis leur intima l'ordre de jeter derrière eux les os de leur grand-mère pour repeupler la terre. Ils comprirent que cette grand-mère n'était autre que Gaïa, la Terre, et que ses os étaient par conséquent les pierres. Ils se saisirent alors de pierres qu'ils jetèrent derrière eux.
Les pierres jetées par Deucalion devinrent des hommes, et celles jetées par Pyrrha devinrent des femmes.
Conclusion
Les hommes ainsi créés ne serviraient alors qu'à honorer les dieux, et aussi à les distraire. Puisque Zeus finissait par s'ennuyer dans le cosmos qu'il avait lui-même imposé.
Lorsque Hadès enlève Perséphone, la fille de Zeus et de Déméter, cette dernière, éplorée, cesse ses activités de déesse des moissons. Plus rien ne pousse sur terre. La menace pour Zeus est alors qu'il ne survive aucun mortel pour l'honorer lui et les dieux. Rappelons-le, les dieux ne se nourrissent pas des végétaux ou des animaux, mais seulement du nectar et de l'ambroisie. Aussi la menace que fait peser Déméter touche-t-elle directement l'homme, et indirectement les dieux qui n'auront alors plus personne pour les honorer.
Mes sources
Pour cet article, je me suis inspiré de la série documentaire Les grands mythes diffusée sur Arte, de l'ouvrage Mythologie et philosophie, écrit par Luc Ferry, ainsi que d'internet et de livres divers dont Adoptée par les Romains La mythologie grecque, de Paule du Bouchet (Hatier) et Les plus belles histoires de la mythologie, de Michael Gibson et Giovanni Caselli (Fernand Nathan), superbement illustré.
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