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LA GRAVITATION, par ZOLTAN
La gravitation est la première interaction fondamentale que l’on rencontre dans la vie de tous les
jours. Si on arrive à marcher, c’est qu’on est plaqué au sol. De même les objets qui tombent semblent
tous irrémédiablement attirés vers le bas. Par quel phénomène mystérieux ?
J’avais composé un premier jet de 20 pages, mais ce fut jugé trop long et trop technique par Marie-
Agnès pour ne pas la nommer, aussi Gaëtane a accepté de jouer la candide afin de me permettre de
le rendre plus accessible. Ce fut un vrai crève-cœur, car il y aura forcément des pertes, mais si j’arrive
à vous communiquer ma fascination pour la gravitation, j’aurai réussi mon pari. J’espère donc qu’à la
suite de ce texte, vous vous sentirez plus intelligent.
Quel lien y a-t-il entre les mouvements des planètes, la chute des corps et les marées ? Le savant
anglais Isaac Newton fut le premier à comprendre qu’ils étaient tous trois dus à un seul et même
phénomène, la gravitation (aussi appelée gravité quand l’astre central est la Terre). Il formula sa loi
de la gravitation universelle et Einstein renversa la table en proposant un changement
révolutionnaire de point de vue, la théorie de la relativité générale, qui est aujourd’hui la théorie qui
explique le mieux la gravitation.
Cependant, de par son statut particulier, le phénomène résiste encore actuellement aux tentatives
de l’unifier aux trois autres interactions fondamentales de la nature que sont électromagnétisme,
force nucléaire forte et force nucléaire faible. Les physiciens recherchent aujourd’hui une
interprétation quantique de la gravitation qui leur permettrait d’unifier la relativité générale à la
théorie quantique des champs (la physique quantique étant la physique de l’infiniment petit).
D’Aristote à Einstein, nous verrons l’histoire de la gravitation.
ARISTOTE
Le philosophe grec Aristote (384-322 avant notre ère), disciple de Platon, et précepteur d’Alexandre
le Grand, eut une forte influence sur la pensée occidentale jusqu’au Moyen-âge, influence relayée
par l’Eglise, qui s’appuyait sur sa conception philosophique du monde.
S’appuyant sur ses observations, il déduisit deux choses sur la chute des corps :
1) Si les objets tombent, c’est parce qu’ils cherchent à rejoindre leur lieu naturel, le bas
2) La vitesse de chute dépend de la masse
Par ailleurs, il plaçait la Terre au centre de l’Univers et distinguait deux mondes, le monde sublunaire
et le monde supralunaire.
D’autres dans le monde (Inde, monde musulman) ont proposé des alternatives à la vision d’Aristote,
que ce soit sur la forme de la Terre, son rôle dans la chute des corps, la loi de la gravitation
universelle ou encore sur l’universalité des lois physiques.
Même s’il s’est trompé, le Stagirite (il est en effet né à Stagire, en Macédoine), a eu le mérite de se
poser des questions.
GALILÉE CONTRE ARISTOTE
Galilée (1564-1642) est considéré comme le père de la physique moderne.
La légende veut qu’il ait laissé tomber une plume et un boulet de canon du haut de la tour de Pise,
afin de montrer qu’ils tombaient à la même vitesse !
En réalité, il fit une expérience de pensée qui l’amena à la conclusion que la vitesse de chute ne
dépendait pas de la masse du corps tombant.
Il procéda alors à une expérience sur un plan incliné pour finalement observer trois choses :
1) La masse du corps en chute libre n’intervient pas dans sa vitesse ou son accélération
2) La vitesse de chute est proportionnelle au temps écoulé, autrement dit l’accélération est
constante
3) La distance de chute est proportionnelle au carré du temps écoulé, ce qui impliquait que la
trajectoire d’un projectile décrivait toujours une parabole (difficile à comprendre, mais vrai)

Trajectoire parabolique d'un projectile
Le piège dans lequel est tombé Aristote est le fossé qui sépare l’expérience de tous les jours de l’expérimentation. Selon Bachelard (philosophe des sciences), « toute connaissance est une réponse à une question ». Aristote s’est contenté de ses observations sans chercher à questionner la nature par des expérimentations. Galilée est parti d’une expérience de pensée, et a cherché à la valider par la suite. L’expérimentation, contrairement à l’expérience (au sens commun du terme), est motivée, elle pose une question à la nature, isole les paramètres, crée des protocoles de validation et de falsification. Il faut qu’on puisse clairement dire quand le résultat est positif et aussi et surtout quand il est négatif (réfutabilité au sens du philosophe Karl Popper).
Le fait que la vitesse de chute ne dépende pas de la masse n’est pas une évidence. L’expérience de tous les jours sur Terre semble prouver le contraire. Mais c’est sans compter la présence de l’air, sa résistance, qui freine la chute. L’expérience du marteau et de la plume a été réalisée et filmée sur la Lune, où il n’y a pas d’atmosphère. Et elle a donné raison à Galilée, on y voit en effet les deux objets tomber rigoureusement à la même vitesse.
Par ailleurs, Galilée a donné foi aux travaux de Copernic sur l’héliocentrisme. Il prétendait que ce n’était pas le Soleil qui tournait autour de la Terre, mais l’inverse. Ceci lui a valu un procès en hérésie et il fut forcé d’abjurer, tout en prétendant « Elle pourtant, elle tourne ! »
LES LOIS DE KEPLER
A peu près à la même époque que Galilée, l’astronome allemand Johannes Kepler (1571-1630) scrute les tables de positions des planètes établies par l’astronome danois Tycho Brahe (1546-1601) auparavant.
Il observe ces tables et en dégage trois lois empiriques sur le mouvement des planètes : la loi des orbites, la loi des aires, et la loi des périodes.
Selon Kepler, comme le disent Copernic et Galilée, la Terre et les planètes tournent autour du Soleil et décrivent autour de lui, non pas des cercles, mais des ellipses, dont le Soleil occupe un des deux foyers.
La loi des aires stipule que si le temps mis pour aller de A1 à A2 est égal à celui pour aller de P1 à P2, alors les deux surfaces vertes ont même aire.

De plus la période de révolution d’une planète autour du Soleil est reliée par une formule simple à sa distance au Soleil.
Ainsi, si on prend pour astre central la Terre, il existe une distance (à la Terre) pour laquelle un satellite aurait pour période de révolution exactement la période de rotation de la Terre (soit un jour). Ainsi, le satellite serait toujours à la verticale du même point de la Terre. Cette altitude est appelée l’altitude géostationnaire.
NEWTON ET LA GRAVITATION UNIVERSELLE
Le savant anglais Isaac Newton (1642-1727 ou 1643-1727 ?) est un monstre sacré, un poids lourd de la science, à laquelle il a apporté de nombreuses contributions : calcul infinitésimal en mathématiques (en même temps que l’Allemand Leibniz), loi de la gravitation universelle, lois du mouvement, décomposition de la lumière, etc.
A la suite des travaux de Kepler et de Galilée, il dégage sa loi de la gravitation universelle, qui stipule que deux masses s’attirent toujours et que la force qui les attire est proportionnelle à leurs masses et inversement proportionnelle au carré de leur distance.
Pour le fun : 𝐹=𝐺𝑚1𝑚2𝑑²
G est appelée la constante de gravitation.
Par le calcul infinitésimal, qu’il vient de fonder (un peu en même temps que l’Allemand Leibniz), et en appliquant les lois du mouvement (qu’il vient aussi de trouver), il retrouve alors les lois de Kepler sur le mouvement des planètes et celles de Galilée sur la chute des corps.
Ainsi la chute des corps et le mouvement des planètes relèvent d’un seul et même phénomène, la gravitation.
Ainsi une planète qui tourne autour du Soleil est en fait en chute libre !
Le champ de gravitation
Avant de vous parler d’Einstein, vous devez comprendre une chose fondamentale. Attention, formules ! J’ai dû retravailler (encore !) à cause de cette %&$# de Gaëtane. Ce sera le seul passage un peu technique. Ne vous inquiétez pas si vous ne comprenez pas tout. Passez directement à Le Verrier.
Armé de la loi de Newton, considérons un astre. Par exemple la Terre, de masse M et de rayon R. Et un corps de masse m qui évolue à sa surface. La distance qui les sépare est d=R. On considère que cette distance va peu varier par rapport à R, ce qui nous permet d’approximer d=R.
La force d’attraction exercée par la Terre sur le corps est précisément ce qu’on appelle le poids de ce corps (P).
Elle vaut 𝑃=𝐺𝑀𝑚𝑅²
Si on note 𝑔=𝐺𝑀𝑅², alors on a P=mg
Ce g ne dépend que de la masse et du rayon de la Terre. Il vaut à peu près 9,81 N/kg.
Si ce g était calculé sur la Lune, il vaudrait 1,62 N/kg, soit six fois moins que sur Terre. Ce qui explique qu’on est six fois plus léger sur la Lune que sur Terre.
ATTENTION À NE PAS CONFONDRE POIDS ET MASSE !
Le poids est la force d’attraction qu’exerce la Terre sur un objet dans son champ de pesanteur.
La masse de l’objet représente sa quantité de matière. Nous verrons qu’il existe plusieurs concepts de masse, la masse inerte et la masse pesante.
Comme P=mg et qu’on quitte rarement la surface de la Terre, on a tendance à assimiler poids et masse, puisqu’ils sont reliés par la constante g. Mais on a vu que sur la Lune, ce n’était plus le même g.
De plus la deuxième loi de Newton sur le mouvement stipule que la force subie par un corps est proportionnelle à son accélération : 𝐹=𝑚𝑎
Où m est la masse (inerte) du corps.
Si on prend pour force la gravitation : F=P et alors P=mg=ma
En simplifiant par m, on trouve a=g
Autrement dit le champ de gravitation est une accélération, appelée accélération de la pesanteur, exprimée en m/s².
Un corps en chute libre subit donc toujours la même accélération g, et on retrouve alors les lois de Galilée sur la chute des corps.
Simple, non ?
Le Verrier et la découverte de Neptune
Masse inerte, masse pesante
Légende de la pomme
Découverte de Neptune
Non, Gaëtane, ce n’est pas un haiku !
L’astronome français (cocorico !) Urbain Le Verrier (1811-1877), observant des anomalies dans l’orbite de la planète Uranus, découverte au XVIIIe siècle, en est venu par le calcul et l’application des lois de Newton, à prédire l’existence d’une planète encore inconnue. Il calcula même son emplacement. Elle fut effectivement découverte un mois plus tard, par l’Allemand Johann Galle (1812-1910), et à la position indiquée. Elle fut baptisée Neptune, en l’honneur du dieu romain des mers.
Depuis ce succès éclatant de la mécanique newtonienne et de la mathématisation de la physique, les physiciens font des maths.
Avant Einstein, les physiciens sont restés sur le modèle newtonien. On parle de physique newtonienne, celle qui correspond à nos échelles quotidiennes.
EINSTEIN : GRAVITATION, ESPACE-TEMPS ET RELATIVITÉ(S)
On ne peut pas parler de gravitation en faisant l’impasse sur Einstein et sa théorie de la relativité (il ne faut pas confondre relativité et relativisme) Moi je vous avoue, je ne peux pas m’en passer.
Par ses conceptions sur l’espace, le temps et la gravitation, Einstein (1879-1955) a révolutionné la physique avec ses deux théories de la relativité.
Dans sa théorie de la relativité restreinte d’abord (1905), on prend conscience que l’espace et le temps ne sont pas indépendants, mais font partie d’un tout, un continuum à quatre dimensions appelé l’espace-temps.
Dans la relativité générale cette fois (1915), cet espace-temps peut se déformer, et la gravitation apparaît. Elle n’est plus une force, comme le pensait Newton, mais la manifestation physique de la courbure de cet espace-temps en présence de matière et d’énergie.
Pour ceux qui veulent en savoir plus, voici quelques notions sur les relativités.
La relativité restreinte
Dans la conception de Newton, l’influence gravitationnelle est instantanée. Une planète « sait » tout de suite qu’elle est à telle distance du Soleil.
De plus toujours pour Newton, la vitesse de la lumière est infinie et le présent est le même pour tout le monde.
Or une expérience va montrer que la vitesse de la lumière (dans le vide) est certes très grande, mais reste finie. On la note c pour célérité.
Si je suis dans un train qui roule à 300 km/h et que je cours vers l’avant à la vitesse de 10 km/h dans ce train, alors ma vitesse par rapport au quai est de 300+10.
Or une expérience a montré que la vitesse de la lumière est la même dans tous les référentiels.
Autrement dit toujours dans ce train, si j’envoie un rayon laser vers l’avant à l’intérieur de ce train, alors la vitesse du laser par rapport au quai n’est pas de 300+c, comme on devrait s’y attendre, mais reste toujours de c !
Par ailleurs dans ce train ou sur le quai, aucune expérience ne permettra de dire qui est en mouvement et qui est immobile. D’une part il n’y a pas de mouvement absolu, et d’autre part, les lois de la physique sont les mêmes dans deux référentiels en mouvement rectiligne uniforme l’un par rapport à l’autre. C’est ce qu’on appelle le principe de relativité. Il a été énoncé pour la première fois par Galilée, puis corrigé par Einstein.
Le principe de relativité ajouté à l’invariance de la vitesse de la lumière ont des conséquences inattendues.
On ne peut plus considérer le temps et l’espace séparément. Il faut les penser comme faisant partie d’un ensemble plus vaste, un continuum à quatre dimensions, l’espace-temps.
Pour passer d’un référentiel à un autre en mouvement rectiligne uniforme, on ne prend plus les transformations de Galilée, mais celles plus complexes de Lorentz.
Plusieurs conséquences en découlent :
La vitesse de la lumière ne peut pas être dépassée.
Deux événements simultanés pour un observateur ne le sont plus pour un observateur se déplaçant en ligne droite et à vitesse constante par rapport au premier observateur. C’est la relativité de la simultanéité.
Si pour un observateur l’événement A a lieu avant B, il est possible de trouver un référentiel pour lequel B se passe avant A. En revanche si A est cause de B, alors dans tous les référentiels, A sera toujours avant B. C’est le principe de causalité.
Une autre conséquence est la désynchronisation des horloges (appelées les temps propres).
La durée entre deux événements A et B dépend de l’observateur. C’est ce qu’on appelle la dilatation des durées. Une conséquence est illustrée par le paradoxe de Langevin. Si on considère deux frères jumeaux et si l’un quitte la Terre à une vitesse V. Quand il revient sur Terre, il a moins vieilli que son frère resté sur Terre ! L’expérience a été réalisée avec deux avions emportant chacun une horloge atomique. On synchronise les horloges puis un avion fait le tour de la Terre dans un sens, et l’autre avion dans l’autre sens. A l’arrivée, les horloges se sont désynchronisées !
Une autre conséquence de la dilatation des durées, un peu extrême, est que quand on évolue à la vitesse de la lumière, notre temps propre n’avance pas ! Un photon (grain de lumière) ne vieillit donc pas.
Il n’y a donc plus de temps absolu, de présent absolu, comme le pensait Newton.
Enfin un objet en mouvement paraît se contracter dans le sens du mouvement. C’est la contraction des longueurs.
Dans la théorie de la relativité restreinte, l’espace-temps est encore « plat » (on l’appelle espace-temps de Minkowski). Les référentiels sont en mouvement rectiligne uniforme les uns par rapport aux autres. Il n’y a pas d’accélération. Ce n’est qu’à partir de la relativité générale que l’espace-temps va se « courber » (si, si !).
La relativité générale
Nécessité d’une théorie relativiste de la gravitation
La loi de Newton présupposait que la gravitation était une force qui se propageait instantanément, donc à une vitesse infinie. Or une action instantanée à distance était en contradiction avec le fait que rien ne pouvait se déplacer plus vite que la lumière. D’où la nécessité d’une théorie relativiste de la gravitation.
Un ingrédient supplémentaire, le principe d’équivalence
Rappelons-nous deux lois de Newton vues précédemment.
La première est le principe fondamental de la dynamique : 𝐹𝑜𝑟𝑐𝑒 𝑠𝑢𝑏𝑖𝑒=𝑚𝑎𝑠𝑠𝑒 ×𝑎𝑐𝑐é𝑙é𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛
La seconde est la loi de la gravitation universelle : 𝐹=𝐺𝑚1𝑚2𝑑², qui devient 𝑃𝑜𝑖𝑑𝑠=𝑚𝑎𝑠𝑠𝑒 ×𝑔
On avait simplifié par la masse pour retrouver la loi de Galilée accélération=g.
Mais avait-on vraiment raison de simplifier par cette masse m ?
Dans la première formule, la masse qui intervient est la masse inerte. Elle mesure combien un corps résiste au mouvement, son inertie.
Dans la seconde, c’est une autre masse, la masse pesante. Elle mesure comment un corps se comporte dans un champ de gravitation.
Les physiciens avaient toujours mesuré que ces deux masses étaient proches, sans jamais réussir à les assimiler complètement.
Einstein postula que ces deux masses étaient rigoureusement égales.
On peut donc vraiment simplifier par ce m, et alors a=g.
C’est le principe d’équivalence.
Cela veut dire que si on est enfermé dans une pièce close, on n’a aucun moyen de faire la différence entre la gravité qui nous plaque vers le bas, et une accélération de la pièce vers le haut, qui nous plaquerait aussi vers le bas, par inertie.
Ceci fait jouer à la gravitation un rôle privilégié parmi les 4 interactions fondamentales.
Dès lors, Einstein renverse la table.
On abandonne le modèle newtonien.
La gravitation n’est plus une force qui attire les masses comme le pensait Newton, mais la manifestation physique de la déformation de l’espace-temps. L’espace-temps est courbé par les masses et l’énergie qui s’y trouvent, et en retour, la géométrie courbe de l’espace-temps pilote le mouvement des corps en son sein, qui ne sont soumis à aucune force, se contentant de suivre les trajectoires de longueur minimale, les géodésiques de l’espace-temps, conformément au principe d’inertie énoncé par Newton.
Pour Newton, en effet, dans un référentiel galiléen, un corps qui n’est soumis à aucune force évolue en ligne droite à vitesse constante. C’est le principe d’inertie.
Pour Einstein, c’est la même chose, sauf que dans un espace-temps courbe, ce sont les droites elles-mêmes qui sont courbes !
La notion de courbure d’un espace a été introduite au XIXème siècle lorsque des mathématiciens ont construit des géométries dans lesquelles le cinquième postulat d’Euclide était faux. On les appelle des géométries non euclidiennes.
Cette conception révolutionnaire de la gravitation qui défie notre intuition a pourtant de nombreuses conséquences.
Cinq confirmations de la relativité générale
1-L’avance du périhélie de Mercure.
L’orbite de Mercure posait un problème si on l’interprétait dans le cadre newtonien. Le calcul dans le cadre newtonien donnait une valeur un peu différente de l’observation. La relativité générale a permis de rectifier cette erreur.
2-La déviation des rayons lumineux par les grosses masses.
La relativité générale prédisait la déviation des rayons lumineux à proximité d’un astre massif. Et c’est exactement ce qui fut observé lors de l’éclipse solaire de 1919 par Arthur Eddington.
3-Les ondes gravitationnelles.
La théorie d’Einstein prédisait aussi l’existence des ondes gravitationnelles. Elles ont été détectées pour la première fois le 14 septembre 2015.
4-L’expansion de l’Univers.
L’équation du champ d’Einstein prédit un Univers en expansion, ce en quoi Einstein ne croit pas. Il croit en effet que l’Univers est statique, qu’il garde toujours la même taille. Aussi ajoute-t-il dans son équation un terme correctif, appelé la constante cosmologique. Or, un peu plus tard, l’astronome Edwin Hubble découvre d’une part l’existence des galaxies, et d’autre part grâce au phénomène de redshift (décalage vers le rouge), que celles-ci s’éloignent les unes des autres à des vitesses proportionnelles à leur distance. C’est l’espace lui-même qui s’étend, qui se crée à tout instant, et donc l’Univers est en expansion. Le terme correctif ajouté par Einstein était donc injustifié. Le savant le qualifiera de « plus grosse bêtise de sa vie ». Toutefois, la constante cosmologique semble ressurgir des oubliettes de l’histoire au travers de la notion d’énergie noire, cette force mystérieuse qui contrebalancerait la gravitation en accélérant l’expansion de l’Univers.
5-Les trous noirs.
Enfin la théorie prédisait l’existence d’astres tellement compacts que rien, pas même la lumière, ne pouvait échapper à leur champ de gravitation. Ces zones de l’espace sont appelées des trous noirs. On en a photographié un récemment (février 2016 et 10 avril 2019).
Dans la relativité générale, le temps « ralentit » en présence de gravité.
Si on considère par exemple un immeuble, les habitants du rez-de-chaussée vieillissent moins vite que ceux du cinquième étage ! Bien sûr, à l’échelle d’un immeuble, la différence n’est pas très grande, mais elle se fait sentir par exemple entre le centre de la Terre et sa surface. On calcule une différence d’âge de deux ans. Les satellites GPS tiennent compte de cet effet pour calculer les positions. Cet effet est aussi observé dans le décalage vers le rouge gravitationnel (redshift gravitationnel). Un phénomène périodique comme la lumière semble voir sa fréquence diminuer si on l’observe de plus haut. Ainsi le spectre se décale vers les fréquences basses, c’est-à-dire vers le rouge, un peu à la façon d’un effet Doppler, mais en version relativiste.
La situation devient vraiment extrême à proximité d’un trou noir. Si on observe un astronaute s’approcher de la surface d’un trou noir (qu’on appelle son horizon des événements), et qu’on observe la montre de cet astronaute, on voit la montre ralentir, l’astronaute ralentit à mesure que l’astronaute s’approche. Il faut ainsi un temps infini pour qu’il nous semble atteindre l’horizon. En revanche, pour l’astronaute, tout évolue normalement, et il finit par franchir l’horizon en un temps fini. C’est le thème du film Interstellar. Dans le film, un astronaute qui a approché un trou noir et est revenu sur Terre a beaucoup moins vieilli que sa propre fille, devenue vieille.
A notre échelle, les vitesses sont négligeables devant celle de la lumière, aussi la relativité générale redonne les lois de la mécanique newtonienne.
La physique newtonienne n’est donc qu’une approximation de la relativité générale. Elle suffit à notre compréhension de notre monde de tous les jours
Ouf ! J’ai réussi à condenser Einstein en 4 pages, Gaëtane est très fière de moi !
LE RÊVE DE GRANDE UNIFICATION
Au XXe siècle est apparue une seconde révolution scientifique, la mécanique quantique. Celle-ci décrit la physique de l’infiniment petit.
Couplée à la relativité restreinte, cela donne la théorie quantique des champs.
Les physiciens ont identifié quatre interactions fondamentales dans la nature :
1) La gravitation,
2) L’électromagnétisme,
3) L’interaction nucléaire forte, responsable de la cohésion du noyau atomique,
4) L’interaction nucléaire faible, responsable de la désintégration radioactive bêta et à l’origine de la fusion thermonucléaire dans les étoiles.
Les physiciens sont parvenus à unifier les trois dernières au sein d’une théorie unique, qu’on appelle le Modèle standard de la physique des particules.
Cependant, la gravitation échappe à ce modèle standard. Le principe d’équivalence (souvenez-vous, masse inerte=masse pesante, donc gravité=accélération), semble lui faire jouer un rôle privilégié, à part.
Pour l’instant la relativité générale et la physique quantique fonctionnent toutes les deux dans leur domaine d’application. Aucune expérience ne les a prises en défaut.
Cependant, il existe au moins deux situations où leurs domaines d’application se rejoignent. Le big bang et les trous noirs, qui mettent en jeu des densités, des énergies infinies (donc relativité) pour des petites tailles (donc physique quantique).
Le problème c’est que ces deux théories (relativité générale et physique quantique), qui, je le répète, marchent toutes les deux et n’ont jamais été prises en défaut, sont inconciliables ! Il faut donc trouver une théorie qui les englobe toutes les deux, ce que Stephen Hawking appelle la Théorie du Tout.
Il s’agit d’unifier la théorie quantique des champs avec la relativité générale, de fournir en somme une interprétation quantique de la gravitation.
Plusieurs théories de gravité quantique sont à l’ébauche actuellement : théories des cordes, gravitation quantique à boucles, supersymétrie, géométrie non-commutative, gravité émergente,
ensembles causaux, etc. Selon certaines de ces théories, la gravitation serait véhiculée par une particule encore hypothétique appelée graviton.
Mais pour les tester expérimentalement, il faut atteindre des énergies hors de portée pour l’instant pour les accélérateurs de particules actuels.
IDÉES NOIRES
A ce rêve de grande unification viennent s’ajouter deux phénomènes étranges découverts récemment : la matière noire et l’énergie noire, que la théorie peine encore à expliquer.
La matière noire est une forme de matière indétectable directement, mais dont on ressent les effets dans la rotation des galaxies par exemple. Encore hypothétique, elle représenterait une partie de ce qu’on avait jadis identifié comme la masse manquante de l’Univers, dont elle représente 26,8% du total. De quoi est-elle constituée ? Nul encore ne le sait, mais plusieurs pistes sont à l’ébauche.
L’énergie noire est responsable de l’expansion accélérée de l’Univers, créant de l’espace en l’étendant et s’oppose à la gravitation, qui a tendance à contracter l’Univers. Elle représente à elle seule 68,3% de l’Univers. Elle serait intimement liée à l’énergie du vide, ainsi qu’à la constante cosmologique, introduite par Einstein dans son équation du champ en relativité générale, et qu’il avait qualifiée de « plus grosse bêtise de sa vie ».
Quand la théorie ne permet pas de prévoir la réalité, deux choix s’offrent aux physiciens. La solution ontologique : il y a quelque chose de plus dans le réel, que l’on n’a pas vu et qui permet de rétablir la cohérence entre la loi et le monde. Ou alors la solution législative : il faut changer la loi.
La matière noire nous place devant cette alternative, et notre devoir est d’examiner les deux possibilités.
La première option avait permis à Le Verrier de découvrir Neptune, à Dirac de postuler l’existence de l’antimatière, à Higgs de prédire le boson qui porte son nom.
Ce qu’on sait moins, c’est que Le Verrier, après le succès de la découverte de Neptune, s’est intéressé à Mercure. Face aux anomalies de l’orbite de la planète, il prédit l’existence d’une nouvelle planète, qu’il nomma Vulcain. En réalité il n’y avait pas d’autre planète, c’est la théorie de Newton qui était imparfaite. Il fallut attendre Einstein et la relativité générale pour comprendre les anomalies de l’orbite de Mercure. Il fallait changer la loi.
La théorie serait-elle fausse ? Peut-on trouver une autre théorie qui explique ces deux phénomènes ?
Nul ne sait si cette matière noire existe bel et bien ou alors si ce sont les lois physiques actuelles qui sont erronées. Une théorie à l’ébauche, la théorie MOND (en anglais Modified Newtonian dynamics), propose de rectifier la loi de Newton aux accélérations très faibles et ô miracle, plus besoin d’invoquer une quelconque matière noire ! Mais cette théorie doit encore faire ses preuves.
CONCLUSION
La mission de la science est d’expliquer le fonctionnement de la nature, de la rendre plus « aimable ». Et ainsi espérer la dompter. Non pas en la changeant, mais en la canalisant, en utilisant ses lois pour améliorer nos vies. Le fait que le soleil se soit toujours levé à l’est ces derniers jours permet de parier légitimement qu’il en sera de même demain. C’est ce qu’on appelle l’induction. En science, on fait constamment ce genre de paris. En réalisant des expériences, on envisage que la
nature fonctionne toujours de la même façon aujourd’hui, demain, après-demain, et ainsi de suite. On établit ainsi des théories à la fois explicatives, quantitatives et prédictives. Toute la technologie est basée sur ce principe. En connaissant certaines lois de la nature, on construit des outils, des instruments et des machines censés fonctionner aujourd’hui, demain, après-demain, et ainsi de suite. Mais il faut se méfier des apparences. Aristote est un cas d’école. Il s’est fié à l’expérience de tous les jours, qui lui disait que la vitesse de chute dépendait de la masse, et il s’est trompé. Parce qu’il n’a pas pensé à isoler le facteur résistance de l’air. Des savants comme Galilée ou Einstein ont pu s’arracher aux pièges de l’intuition et dégager des lois physiques solides, même si contre-intuitives.
D’Aristote à Einstein, en passant par Galilée et Newton, les savants n’ont eu de cesse de chercher à percer le mystère de la gravitation. Mais elle a beau être le premier phénomène connu, elle demeure celui qui aura résisté le plus longtemps aux physiciens dans leur rêve d’une Théorie du Tout. Une théorie qui permettrait d’expliquer les quatre interactions fondamentales, qui permettrait de concilier physique quantique et relativité générale, d’expliquer les trous noirs, le Big Bang, la matière noire et l’énergie noire.
Il reste encore beaucoup à découvrir. C’est à la fois stimulant et ça fait rêver, pas vous ?
J’ai fait de la physique jusqu’à un certain niveau, en classes prépa, mais je préférais les maths. Pour moi, la physique était devenue une torture. Mais des années et des lectures (vulgarisation scientifique) après, je regrette de ne pas m’y être intéressé plus tôt. Mais il n’est jamais trop tard… J’aime bien savoir comment le monde fonctionne, j’ai une certaine curiosité.
ET VOILÀ, 11 PAGES, PARI TENU, MARIE-AGNÈS ET GAËTANE !