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LES GÉOMÉTRIES NON-EUCLIDIENNES, par ZOLTAN
Cet article fait suite à celui que j’ai écrit précédemment sur la gravitation. Avec Gaëtane, nous en étions arrivés à parler de ce que je qualifiais, à son grand amusement, de « géométries exotiques ».
Quésaco ? Grosso modo, la géométrie euclidienne est celle des espaces qu’on qualifiera de plats : droites, plans, espaces euclidiens. Elle est fondée sur les cinq axiomes d’Euclide. La géométrie non euclidienne étudie les espaces qui ne sont pas plats, c’est-à-dire qui sont courbes. Elle viole le cinquième axiome d’Euclide.
Les géométries non euclidiennes sont loin de n’être que de simples bêtes de foire juste construites pour amuser la galerie ; elles ont une certaine pertinence en sciences, notamment dans la relativité, restreinte, puis générale. En cela elles n’ont pas moins de réalité que la géométrie euclidienne classique. Il suffit de rencontrer les débats sur ceux qui pensent encore que la Terre est plate. Parce qu’à l’échelle humaine, elle l’est ! Or, on sait bien que la Terre est sphérique (enfin, presque !). Ainsi la géométrie euclidienne classique du plan, et celle non euclidienne de la sphère entrent parfois en conflit !
QUELQUES NOTIONS DE GÉOMÉTRIE (EUCLIDIENNE OU NON)
Vous avez sûrement appris à l’école que dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse (le côté le plus grand, celui opposé à l’angle droit) est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. C’est le fameux théorème de Pythagore. Sur la figure A, l’hypoténuse c et les côtés a et b vérifient c²=a²+b².
Une conséquence du théorème de Pythagore est que si on connaît les coordonnées (x,y) de deux points P et Q (figure de droite) dans le repère orthonormé (OXY), alors on peut calculer leur distance. En effet, dans le triangle (PQR) rectangle en R, cette distance PQ vérifie : 𝑃𝑄²=𝑃𝑅²+𝑅𝑄²=(𝑥𝑝−𝑥𝑞)2+(𝑦𝑝−𝑦𝑞)²
Pour retrouver la distance PQ, il suffit de prendre la racine carrée de cette somme.
A


B
Vous avez peut-être appris aussi que dans un cercle, la circonférence valait le diamètre multiplié par le nombre π. 𝑪𝒊𝒓𝒄𝒐𝒏𝒇é𝒓𝒆𝒏𝒄𝒆=𝝅 ×𝒅𝒊𝒂𝒎è𝒕𝒓𝒆=𝝅×𝟐×𝒓𝒂𝒚𝒐𝒏
Ou encore que dans un triangle, la somme des angles est égale à 180°.
Ces propriétés sont vraies pour des figures dessinées dans un plan : une table, le tableau d’une salle de classe, une feuille de papier non pliée, etc
Mais ces propriétés sont-elles vraies pour des figures dessinées sur des surfaces qui ne seraient pas planes, comme la surface de la Terre par exemple ?

A la surface de la Terre, on peut par exemple construire des triangles ayant trois angles droits. Or ceci est interdit en géométrie euclidienne car 3 x 90°=270°, et pas 180°.
La géométrie à la surface d’une sphère n’est donc pas la même que celle dans un plan.
On dit que la géométrie plane est euclidienne, et celle de la sphère ne l’est pas.
Mais vous pouvez me demander ce que peut bien signifier un triangle sur une surface non plane.
Dans un plan, la notion de droite semble aller de soi. Mais elle peut être définie de deux manières : ligne de plus court chemin, ou ligne obtenue en allant toujours dans la même direction*.
(*En maths, la direction d’une droite et le sens ne désignent pas la même chose. On dit que deux droites ont même direction si elles sont parallèles.)
Et il n’est pas du tout évident que ces deux définitions soient équivalentes.
On peut étendre ces notions en géométrie sphérique par exemple, ou sur n’importe quelle surface. On appelle géodésiques les courbes qui minimisent le chemin parcouru en restant sur la surface. Pour une sphère, on peut démontrer que les géodésiques (définies plus haut) sont exactement les cercles ayant le même centre que la sphère. On les appelle aussi les grands cercles, ou encore des orthodromies. Les méridiens par exemple sont des arcs de géodésiques. Les parallèles (courbes de même latitude, telles que les deux tropiques du Cancer et du Capricorne, les deux cercles polaires, etc.) ne sont pas des géodésiques, à l’exception de l’Equateur. Si, par exemple, vous naviguez d’un point de latitude 45°N à un autre de même latitude en restant toujours sur le parallèle 45°N, alors vous n’aurez pas parcouru le chemin le plus court !


B
A
Sur la figure A, la ligne rouge reliant Paris à New York est une géodésique (ou orthodromie). Elle est aussi en rouge sur la figure de droite. La ligne jaune est ce qu’on appelle une loxodromie, représentée en bleu sur la figure B.
Les triangles en géométrie sphérique seront des triangles dont les côtés sont des arcs de géodésiques.
On étend le concept de géodésiques à toutes les surfaces, et aux variétés en général :
Sur une surface quelconque (cylindre, cône, selle de cheval, tore, ellipsoïde, paraboloïde, hyperboloïde, ruban de Möbius, etc) ou dans n’importe quelle variété en général (on verra ce concept plus tard), les géodésiques demeurent les courbes minimisant le chemin parcouru.
Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer quelques surfaces.

Plan

Sphère

Ellipsoïde

Tore: bouée, donut, chambre à air, etc

Ruban de Möbius
A


L’hyperbole de la figure A n’est pas une surface, mais une courbe. Mais on peut la faire tourner.
Si on la fait tourner autour de l’axe vertical (Oy), on engendre l’hyperboloïde à une nappe, noté H1.
Si on la fait tourner autour de l’axe horizontal (Ox), on engendre l’hyperboloïde à deux nappes, noté H2.
La géométrie à la surface d’un hyperboloïde est appelée géométrie hyperbolique, de la même manière qu’à la surface d’une sphère, on parle de géométrie sphérique, et que celle à la surface d’un ellipsoïde est qualifiée de géométrie elliptique. On notera au passage que la géométrie sphérique est un cas particulier de géométrie elliptique puisque la sphère est un ellipsoïde particulier (dont les deux foyers sont confondus en son centre).
Passé ce plaisir des yeux, revenons aux choses sérieuses.
La géométrie du plan et celle de la sphère sont donc différentes.
Rappelons les trois propriétés qui vont nous intéresser :
- Le théorème de Pythagore
- La somme des angles d’un triangle
- La circonférence d’un cercle
En fait, on peut montrer (ce n’est pas évident) que ces trois propriétés sont équivalentes.
Lorsqu’elles sont vraies, la géométrie est dite euclidienne. Sinon, on parle de géométrie non euclidienne. Il suffira donc de n’en tester qu’une.
Grosso modo, la géométrie euclidienne, c’est celle qu’on apprend en premier à l’école. Celle sur une surface plane : le tableau noir du professeur, l’ardoise, la feuille de cahier, une table, etc. Celle qui permet de mesurer des longueurs, des angles, de parler d’orthogonalité, etc.
Tore: bouée, donut, chambre à air, etc
Ruban de Möbius
Hyperbole
Hyperboloïdes : à 1 nappe (H1) à gauche, à 2 nappes (H2) à droite, on fait tourner l’hyperbole de gauche autour de l’axe vertical pour avoir H1, et autour de l’axe horizontal pour avoir H2
On verra ci-dessous qu’on peut aussi parler de géométrie euclidienne dans l’espace 3d, celui dans lequel on évolue tous les jours.
A condition toutefois qu’on calcule les distances à l’aide de l’extension en trois dimensions du théorème de Pythagore. Le carré de la grande diagonale (ici OM) d’un pavé est égal à la somme des carrés de trois côtés perpendiculaires du pavé.
Ici la distance OM vérifie : OM²=OA²+OB²+OD²
Ce qui s’écrit aussi : d²=a²+b²+c²
Hyperbole
Hyperboloïdes : à 1 nappe (H1) à gauche, à 2 nappes (H2) à droite, on fait tourner l’hyperbole de gauche autour de l’axe vertical pour avoir H1, et autour de l’axe horizontal pour avoir H2

Il suffit en fait d’appliquer le théorème de Pythagore deux fois de suite.
D’abord, dans le triangle (OCM) rectangle en C, on a : OM²=OC²+CM²
Puis, dans le triangle (OBC) rectangle en B, on a : OC²=OB²+BC²
Enfin, CM=OD et BC=OA, cqfd
Il en résulte que si on a deux points A(xA,yA,zA) et B(xB,yB,zB), alors la distance AB vérifie :
AB²=(xA-xB)²+(yA-yB)²+(zA-zB)² (même raisonnement qu’en 2d)
AB est alors la racine carrée de cette somme.
En maths, on peut concevoir des espaces abstraits à plus de trois dimensions. Espaces que nous ne pouvons pas appréhender par nos sens.
Demandons-nous si la géométrie dans un espace à quatre dimensions est euclidienne ou pas.
Eh bien là, ça va se compliquer. Toujours à cause du théorème de Pythagore. Du moins sa généralisation en quatre dimensions.
C’est-à-dire : 𝐴𝐵²=(𝑥𝐴−𝑥𝐵)2+(𝑦𝐴−𝑦𝐵)2+(𝑧𝐴−𝑧𝐵)2+(𝑡𝐴−𝑡𝐵)²
Le théorème de Pythagore généralisé dit juste que le carré de la distance est égal à la somme des carrés sur chaque coordonnée. Si on peut calculer les distances avec le théorème de Pythagore généralisé, alors notre espace 4d est dit euclidien.
Mais il existe un exemple d’espace 4d non euclidien. Vous voyez lequel ?
Tic tac tic tac
L’espace-temps de la théorie de la relativité restreinte d’Einstein !
Il a bien quatre dimensions : les trois de l’espace usuel (x, y et z), plus une de temps (t).
Afin de pouvoir manipuler la dimension temporelle comme une dimension spatiale, on multipliera le temps t par la vitesse de la lumière c : ce qui donnera ct, qui est alors bien homogène à une longueur.
On a donc bien quatre dimensions : x, y, z, ct.
Mais une propriété de la vitesse de la lumière fait jouer à la coordonnée temporelle un rôle différent des coordonnées spatiales. Du coup, le théorème de Pythagore y est déformé. Au lieu d’avoir une somme de quatre longueurs au carré (du type x²+y²+z²+(ct)²), on a trois carrés moins un carré (x²+y²+z²-(ct)²). Ce signe moins qui s’insinue dans la formule aura des conséquences nombreuses. C’est la base de la relativité, restreinte, puis générale.
Comme je l’ai dit, en maths, on peut concevoir des espaces de dimensions supérieures : 3, 4 ou même plus. On ne peut pas les appréhender par nos sens, ce sont des espaces abstraits, mais qui peuvent se révéler bien utiles pour résoudre des problèmes mathématiques ou dans d’autres sciences. Par exemple les espaces vectoriels (ensembles de vecteurs) servent pour résoudre les systèmes d’équations ou en mécanique (étude du mouvement des corps), les espaces affines (ensembles de points) servent souvent en géométrie, les espaces de Hilbert sont massivement utilisés en physique quantique (étude de la matière à l’échelle des atomes et des particules), etc.
En dimension quelconque n, un point de l’espace considéré est repéré par n coordonnées (x1, x2, …, xn)
5
Si on a deux points X=(x1,…,xn) et Y=(y1,…,yn), et si la géométrie de l’espace en question est euclidienne, le théorème de Pythagore s’exprime ainsi :
(distance XY)²=(x1-y1)²+(x2-y2)²+…+(xn-yn)²
Ceci se démontre en appliquant plusieurs fois de suite le théorème de Pythagore à partir de sa forme en dimension 2, comme on l’a vu pour passer de la 2d à la 3d.
En fait les géométries non euclidiennes sont apparues un peu avant la théorie de la relativité. Au XIXème siècle avec Gauss et Riemann.
Le problème qui se posait à l’époque était la question de l’indépendance du cinquième postulat d’Euclide.
La géométrie euclidienne reposait en effet sur cinq axiomes énoncés par Euclide, c’est-à-dire des propositions admises pour vraies au départ et à partir desquelles on démontrait tout le reste.
Rappelons-les :
Axiome 1 : Par deux points distincts passe une droite et une seule.
Axiome 2 : Un segment de droite peut être prolongé indéfiniment en une ligne droite.
Axiome 3 : Si on a un segment de droite, on peut tracer un cercle ayant ce segment comme rayon et pour centre l’une des extrémités de ce segment.
Axiome 4 : Tous les angles droits sont congruents. Autrement dit, on peut toujours plaquer un angle droit sur un autre par une transformation qui conserve les distances.
Axiome 5 (version Euclide) : Si deux lignes g et h sont sécantes avec une troisième s de telle façon que la somme des angles intérieurs d'un côté est strictement inférieure à deux angles droits, alors ces deux lignes sont forcément sécantes de ce côté. Sur la figure, g et h se coupent du côté où 𝛼+𝛽 est inférieur à 180°.

Axiome 5’ (version moderne): Par un point donné M, il passe une et une seule droite parallèle à une droite donnée (d).
On peut démontrer que la forme 5’ est équivalente à la forme 5, ce qui justifie son appellation de postulat des parallèles.

On savait que les quatre premiers axiomes étaient bien indépendants et ne se contredisaient pas entre eux. Par contre, pour le cinquième, on n’en savait rien. Etait-il bien indépendant des quatre premiers ?
L’idée a alors germé dans certains esprits d’inventer des géométries qui violaient ce cinquième axiome.
En fait il est apparu que cet axiome était équivalent au théorème de Pythagore.
Plus précisément, {les quatre premiers axiomes + le cinquième} sont équivalents à {les quatre premiers axiomes + le théorème de Pythagore).
Gauss a introduit la notion de courbure et a montré que cette courbure ne dépendait pas de l’espace dans lequel était plongée la surface. Vous pourriez me demander : « la surface est courbe, mais dans quoi ? » C’est là qu’il faut bien comprendre la différence entre les points de vue extrinsèque et intrinsèque. La sphère apparaît courbe dans l’espace 3d ambiant, c’est le point de vue extrinsèque.
Mais si des vers de terre évoluant à sa surface mesuraient la somme des angles d’un triangle, ils trouveraient que ça ne fait pas 180°. Aussi pourraient-ils en déduire qu’ils ne sont pas dans un plan. La courbure est donc une caractéristique intrinsèque, elle ne dépend pas de l’espace dans lequel la surface est plongée. Pareil pour l’espace-temps de la relativité. Quand il est déformé par la matière, on ne se demande pas dans quoi il est déformé, par rapport à quoi. On dit qu’il est courbe parce que sa géométrie n’est plus du tout euclidienne, au sens qu’elle ne vérifie pas le théorème de Pythagore. Suivant le signe de cette courbure, on parlera de géométrie euclidienne, elliptique ou hyperbolique.
Riemann a dégagé deux autres notions fondamentales en géométrie, celles de variété et de métrique. Après la découverte d’espaces ayant des dimensions supérieures, il a eu l’intuition d’étendre le travail de Gauss, qui ne s’appliquait alors que pour des surfaces de dimension 2, à des espaces de plus de deux dimensions. Ceci nécessitait de redéfinir les fondements de la géométrie en introduisant le concept de variété, généralisation aux dimensions supérieures des notions de courbes et de surfaces.
Sur ces variétés, on peut dégager la notion de « droite » (on appelle ça des géodésiques), courbes minimisant le trajet parcouru. Encore faut-il pour cela pouvoir mesurer des longueurs. D’où la nécessité de se doter de ce qu’on appelle une métrique. La métrique d’une variété est ce qui nous permet d’y mesurer des distances et de calculer des angles.
La métrique euclidienne est fournie par le théorème de Pythagore classique.
La métrique riemannienne généralise le cas euclidien, mais avec un théorème de Pythagore « tordu ». Mais ces deux types de métriques permettent de fournir ce qu’on appelle un produit scalaire, qui permet de calculer des distances, des angles, des aires, de parler d’orthogonalité.
Il existe un deuxième palier de généralisation, cette fois, en tordant la métrique riemannienne pour donner ce qu’on appelle une métrique pseudo-riemannienne (ou pseudo-métrique). Cette fois, on n’a plus de produit scalaire au sens des propriétés qu’on en attend, mais quelque chose qui s’en approche quand même.
C’est le cas de la (pseudo-)métrique de Minkowski dans la relativité restreinte. Le caractère pseudo et pas directement riemannien tient au signe moins dans l’expression de la « métrique ». Et ce signe moins vient de la propriété de la vitesse de la lumière d’être invariante pour tous les observateurs en mouvement rectiligne uniforme les uns par rapport aux autres.
Remarque :
Les géodésiques peuvent être aussi définies comme les trajectoires « en allant toujours dans la même direction ». Il faut pour cela pouvoir donner un sens rigoureux à cette intuition. C’est là qu’interviennent les notions de transport parallèle, de connexion et de dérivée covariante. Je n’en parlerai pas dans cet article.
Dans l’article, nous verrons deux façons de classifier les géométries.
- En fonction du signe de la courbure, on distinguera les géométries euclidienne, sphérique et hyperbolique.
- En fonction de la forme de la métrique, on distinguera les géométries euclidienne, riemannienne et pseudo-riemannienne.
DIMENSION D’UN ESPACE, SYSTÈMES DE COORDONNÉES
La dimension d’un espace, grosso modo c’est le nombre de coordonnées indépendantes qu’il faut pour se représenter ses éléments.
Il existe plusieurs systèmes de coordonnées : cartésiennes, polaires, cylindriques, sphériques, ou autres.
Sur une droite, un point est repéré par son abscisse.
Sur une courbe, on repère le point mobile par son abscisse curviligne (longueur de courbe parcourue à l’instant t). Cette coordonnée peut être une longueur, une durée, ou autre valeur réelle.

Abscisse sur une droite graduée

Abscisse curviligne s en fonction du temps de parcours
Dans un plan, on peut utiliser les coordonnées cartésiennes (abscisse, ordonnée), ou aussi les coordonnées polaires (distance au centre, inclinaison).

Coordonnées cartésiennes:
abscisse x et ordonnée y

Coordonnées polaires:
distance au centre r et inclinaison thêta θ
Dans l’espace 3d, on peut utiliser les coordonnées cartésiennes (abscisse, ordonnée, cote), mais aussi les coordonnées cylindriques (distance à l’axe, longitude, hauteur), ou encore les coordonnées sphériques (distance au centre, longitude, latitude*). * Souvent, on prend plutôt la colatitude.



Coordonnées cartésiennes: abscisse x, ordonnée y, cote z
Coordonnées cylindriques:
distance à l'axe r, longitude thêta θ, hauteur z
Coordonnées sphériques:
distance au centre rhô ρ, longitude phi φ, colatitude thêta θ
On peut toujours inventer d’autres systèmes de coordonnées, mais il faut être capable de passer d’un système à l’autre, ou à l’intérieur d’un même système, d’un repère à l’autre (via des formules de changement de coordonnées).
Et quel que soit le système choisi, le nombre de coordonnées est le même, égal à la dimension de l’espace. Dans l’espace 3d par exemple, il faut toujours trois nombres, que ce soit en cartésiennes, en cylindriques, ou encore en sphériques.
Comme je l’ai déjà évoqué page 4, jusqu’à trois dimensions, on peut se représenter aisément les choses par les sens, mais au-delà, ces espaces demeurent abstraits, hors d’atteinte pour nos sens. En maths, on peut concevoir des espaces avec un nombre quelconque de dimensions. Même s’il est difficile de se représenter un espace à quatre dimensions, et a fortiori plus, ces espaces n’en sont pas moins pertinents pour autant, ils permettent de résoudre des calculs et autres problèmes. On les rencontre en algèbre linéaire par exemple, discipline qui étudie les espaces vectoriels. Par exemple, ils interviennent dans la résolution des systèmes linéaires d’équations à plusieurs inconnues.
On peut mentionner aussi les espaces affines (espaces de points), les espaces de Hilbert, utilisés massivement en mécanique quantique notamment.
Pour toutes les dimensions donc, un vecteur aura autant de coordonnées que la dimension de l’espace.
Si la dimension de notre espace est n, alors un élément de cet espace est représenté par une liste de n nombres (x1, x2,…, xn), qu’on appelle un n-uplet.
Par exemple, si n=1, un point évoluant le long d’une droite ou d’une courbe sera repéré par son abscisse curviligne, qui est un nombre.
Si n=2, un point du plan ou d’une surface quelconque sera repéré par un couple (x,y)
Si n=3, un point de l’espace 3d sera repéré par un triplet (x,y,z)
Pour n=4, on parlera de quadruplet, et pour le cas général, de n-uplet.
Par exemple, l’espace-temps de la relativité a quatre dimensions : trois d’espace et une de temps.
La théorie des cordes en physique prévoit un univers à 10, 11, voire 26 dimensions, qui nous sont imperceptibles car enroulées sur elles-mêmes de la même façon qu’une corde nous apparaît de près comme une surface cylindrique à deux dimensions, voire un volume à trois dimensions, mais de loin comme un fil à une seule dimension.
LES CINQ AXIOMES D’EUCLIDE
Euclide est un mathématicien grec qui le premier a compilé tout le savoir mathématique de son époque dans son oeuvre monumentale intitulée les Eléments. Première oeuvre mathématique à systématiser l’impératif de démonstration, elle révèle aussi le premier système axiomatique de l’histoire des mathématiques. Pour fonder sa géométrie, il introduit cinq axiomes, propriétés considérées comme vraies au départ et à partir desquelles on déduit toutes les autres. Ainsi les axiomes sont les briques de base et les théorèmes sont les propriétés que l’on a su démontrer à partir des axiomes ou d’autres théorèmes. On appelle conjecture une propriété qui semble vraie mais dont on n’a pas encore de preuve. Bien entendu ces axiomes ne doivent pas se contredire entre eux. On dit alors que l’axiomatique est cohérente. Si de plus ces axiomes suffisent à tout démontrer (en tout cas une chose ou son contraire), on dit que cette axiomatique est complète.
Remarque :
Le sens du mot axiome a varié dans l’histoire. Longtemps, à la suite d’Euclide, il a signifié une proposition que l’on savait vraie, évidente, sans avoir besoin de la démontrer. Aujourd’hui, dans le cadre de la fondation rigoureuse des mathématiques, un axiome est une proposition que l’on admet comme vraie. Une vérité première. La question de sa véracité n’a alors pas de sens puisque les démonstrations se font justement à partir des axiomes et des règles de déduction. Par contre on peut comparer plusieurs axiomes, examiner s’ils sont compatibles ou contradictoires. Ou bien juger de la véracité d’un axiome à partir d’une autre théorie axiomatique
Il est aussi important de noter qu’Euclide prend soin de démontrer tous ses résultats, ce qui est une première historique. C’est pourquoi son oeuvre est considérée comme fondatrice de la discipline mathématique en termes de rigueur et d’abstraction.
Il existait peut-être des mathématiques auparavant (Sumer, Babylone, Chine, Egypte), mais jamais les résultats n’étaient démontrés dans le cas général, ils étaient toujours donnés pour des exemples numériques particuliers, et ceci sans démonstration.
Le miracle grec (émergence du discours rationnel) explique pourquoi Euclide éprouva le besoin de fournir des preuves, valables pour des cas généraux, premier pas vers l’abstraction.
Nous avons déjà rencontré les axiomes d’Euclide. Voir page 4. Je rappelle le cinquième axiome, ainsi qu’une forme équivalente appelée le postulat des parallèles.
Axiome 5 (version Euclide) : Si deux lignes sont sécantes avec une troisième de telle façon que la somme des angles intérieurs d'un côté est strictement inférieure à deux angles droits, alors ces deux lignes sont forcément sécantes de ce côté.
Postulat des parallèles : Par un point donné, il passe une et une seule droite parallèle à une droite donnée.
Deux droites du plan sont dites parallèles si elles ne se coupent pas.
De même, deux plans sont parallèles s’ils ne se coupent pas. Dans l’espace 3d, deux droites peuvent très bien n’être ni parallèles ni se couper.
Pour des dimensions supérieures, on parlera d’hyperplans.
Plus généralement, on parle de parallèle si les directions sont les mêmes. L’absence de point d’intersection est une conséquence en dimensions 2 et 3.
On peut même montrer que ce cinquième axiome, ajouté aux quatre autres, est équivalent aux quatre premiers axiomes + le théorème de Pythagore.
Durant des siècles, la question se posait de savoir si ce cinquième axiome était bien indépendant des quatre premiers.
Gauss pensait qu’il devait exister des géométries non euclidiennes, c’est-à-dire dans lesquelles ce cinquième postulat était faux.
Le problème fut résolu au XIXème siècle par Bolyai, Lobatchevski et Poincaré, qui proposèrent des exemples de géométries cohérentes dans lesquelles cet axiome était faux.
Riemann proposa par la suite d’autres géométries non euclidiennes, tout aussi cohérentes, mais très différentes des précédentes.
Les géométries de Bolyai, Lobatchevski et Poincaré sont appelées des géométries hyperboliques. Dans ces géométries, il existe une infinité de parallèles à une droite donnée et passant par un point donné.
Celles de Riemann sont appelées des géométries elliptiques. La géométrie à la surface d’une sphère comme la Terre (géométrie sphérique) est un cas particulier de géométrie elliptique. Dans cette géométrie, il n’existe aucune parallèle à une droite donnée passant par un point donné.
Vous êtes sûrement habitués à calculer des longueurs dans un plan. Grâce au théorème de Pythagore. L’apport de Riemann est de pouvoir calculer des longueurs non plus dans un plan, mais dans une surface pas forcément plane. Ou plus généralement dans ce qu’il appelle des variétés. Nous y reviendrons.
DROITES DANS UNE GÉOMÉTRIE COURBE, GÉODÉSIQUES
Bien sûr, il fallait préciser ce qu’on entendait par « droite » et par « parallèle » dans le cas d’espaces eux-mêmes courbes.
Nous avons vu en page 2 qu’en géométrie euclidienne, un segment de droite est le plus court chemin entre deux points.
On peut aussi dire qu’on se déplace en ligne droite si on se déplace toujours dans la même direction. Mais cette notion de « même direction » perd son sens quand on n’a plus le postulat des parallèles (le cinquième axiome d’Euclide). Aussi on définit les « droites » comme étant les trajectoires de longueur minimale. Afin de ne pas les confondre avec les droites en géométrie euclidienne, on les appellera plutôt des géodésiques. Encore faut-il pouvoir mesurer des longueurs. D’où la notion de métrique.
Dans la théorie de la relativité, les trajectoires décrites par les astres dans l’espace-temps sont des géodésiques, mais cette fois, ce sont les trajectoires de longueur maximale. En effet, le temps et l’espace ne jouent pas les mêmes rôles, et un signe moins fait que l’on n’est pas en géométrie riemannienne, mais pseudo-riemannienne. J’en reparlerai au chapitre sur la relativité.
GAUSS ET LA COURBURE
Courbure d’un arc de courbe
Une courbe, localement (si on zoome), en chacun de ses points, se comporte comme un cercle, qu’on appelle son cercle osculateur (ou cercle tangent). Le rayon R de ce cercle est appelé rayon de courbure. L’inverse de ce rayon (1/R) est appelé la courbure de la courbe en ce point (souvent notée K). Si la courbure est nulle, alors le rayon de courbure est infini, la courbe est donc une droite. Plus la courbure est forte, plus le rayon de courbure est faible et plus la courbe présente un virage serré.

Courbure de Gauss d’une surface
Ce qui différencie les géométries euclidiennes, elliptiques ou hyperboliques, c’est précisément la courbure (de Gauss).
En intersectant la surface avec un plan perpendiculaire, on trouve une courbe, dont on mesure la courbure. Si on fait tourner le plan autour de la normale à la surface, on va trouver des intersections pour lesquelles les courbures sont maximale et minimale. Un théorème stipule qu’alors les deux plans de coupe sont perpendiculaires entre eux. Les courbures
obtenues sont appelées les courbures principales K1 et K2.
Le produit de ces deux courbures est appelé la courbure de Gauss en ce point.
C’est le signe (0, +, -) de cette courbure qui permettra de classer les différentes géométries.

Dans l’exemple ci-dessus (selle de cheval), les intersections rouges sont orientées dans des directions opposées, donc les courbures principales sont de signes contraires. Donc la courbure de Gauss, qui est leur produit, est négative.
On parle alors de géométrie hyperbolique.
Géométrie sphérique, hyperbolique ou euclidienne ? Quatre indices pour trancher
La courbure est une notion intrinsèque. Autrement dit, si on veut mettre en évidence la courbure d’un espace (d’une variété), on n’a pas besoin de dire dans quoi il serait courbé. S’il est courbe, on a des moyens de le savoir à partir de propriétés qui ne font pas appel à un espace de plongement.
Citons-en quatre :
1) Distance des parallèles
2) Théorème de Pythagore
3) Somme des angles d’un triangle
4) Circonférence d’un cercle
Ces propriétés permettent d’identifier le signe de la courbure.
S’il est nul partout (=0), la géométrie est euclidienne.
S’il est positif (+), on est en géométrie elliptique (ou sphérique).
S’il est négatif (-), on est en géométrie hyperbolique.
Courbure nulle
La géométrie euclidienne est par exemple celle dans un plan, un cylindre, ou encore l’espace 3d. C’est celle des surfaces (en général, des variétés) de courbure constante égale à zéro.
Pour un plan, les courbures principales sont nulles (puisque l’intersection d’un plan avec un plan est une droite, donc de courbure nulle). Donc la courbure de Gauss, produit de ces deux courbures, est nulle.

En géométrie euclidienne classique, on a quelques propriétés intéressantes, qui vont permettre de différencier les différentes géométries. Citons-en quatre :
1) Les droites parallèles sont toujours à même distance.
2) Le théorème de Pythagore : dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse (c²) est égal à la somme des carrés des deux autres côtés (a²+b²)
3) La circonférence d’un cercle est le produit du nombre π par le diamètre du cercle (ou encore π x le double du rayon)
4) Enfin, la somme des angles d’un triangle est égale à un angle plat (180°, soit π radians)
A

B

Hyperboloïde à une nappe
On a vu un premier cas de courbure négative avec la selle de cheval. La même situation se produit à la surface d’un hyperboloïde à une nappe (figure A), d’où le nom de géométrie hyperbolique.
On voit sur la figure A que par le point M, il existe une infinité de parallèles (d1, d2, d3, etc) à la droite D. L’axiome 5 d’Euclide est donc faux dans cette géométrie.
De plus, les angles d’un triangle forment moins que 180° (voir figure B). Au voisinage de chaque point, les géodésiques (images des droites issues de l'origine) s'écartent plus vite que dans le cas euclidien ; les cercles géodésiques (images des cercles concentriques) sont de périmètre plus élevé ; les disques géodésiques d'aire plus importante.
Quant au théorème de Pythagore, on a : c²>a²+b²
Bolyai et Lobatchevski proposèrent les premiers exemples de géométries hyperboliques.
Ainsi que Poincaré, qui introduisit dans un disque une façon d’y mesurer les distances, qui conférait à ce disque une courbure négative. On l’appelle le demi-plan de Poincaré. Il est assez contre-intuitif !

Triangle dans le demi-plan de Poincaré
Courbure positive


En géométrie elliptique (resp. sphérique), il faut imaginer la surface d’un ellipsoïde (resp. d’une sphère). Cette fois, les courbures principales sont de même signe, la courbure de Gauss est donc positive.
la surface d’une sphère, la courbure est même constante, positive.
Pour le théorème de Pythagore, on a : c²<a²+b²
Si on a un point M extérieur à une droite D (rappelons que les droites sont les géodésiques), il n’existe pas de parallèle à cette droite passant par ce point (puisque toutes les géodésiques se coupent, il n’y a pas de parallèles).
La somme des angles d’un triangle est toujours supérieure à 180°.
En termes imagés, il s'agit d'« espaces courbes » tels qu'en chaque point, les géodésiques (lignes de plus court chemin) ont tendance à se rapprocher plus que dans l'espace euclidien. Mais on peut parler aussi par exemple d'espaces à courbure de Ricci positive, hypothèse qui se traduit géométriquement par une tendance des boules à être de volume plus faible que dans le cas euclidien, ...
Contrairement à l'étude de la courbure négative pour laquelle des théorèmes essentiels ont été mis en place dès les dernières années du XIXe siècle, le domaine de la courbure positive a connu des résultats tardifs et se voit encore qualifié par Marcel Berger de mystère presque complet, même si c'est un champ très actif de recherche, renouvelé par les outils de l'analyse globale.
Il en existe une interprétation géométrique simple : en courbure strictement positive, au voisinage de chaque point, les géodésiques (images des droites issues de l'origine) s'écartent moins vite que dans le cas euclidien, les cercles géodésiques (images des cercles concentriques) sont de périmètre moins élevé, les disques géodésiques d'aire moins importante.
Quelle est la forme de l’Univers ?
Est-il fini ou infini ? Si on avance en ligne droite à l’infini, revient-on sur ses pas ?
La question de la forme de l’Univers surprend souvent le public car on a du mal à se représenter ce que signifie la forme de quelque chose en 3d dans lui-même. Pour les gens, cette question n’a pas beaucoup de sens.
Mais c’est là que la notion de courbure intervient. Précisément parce que c’est une notion intrinsèque, qui ne dépend pas de l’espace dans lequel on se plonge. On dira que sa forme est plate si sa géométrie est euclidienne.
Cette question se pose quand il s’agit de déterminer le destin de l’Univers.
Le terme forme de l'Univers désigne généralement soit la forme (la courbure et la topologie) d'une section spatiale de l'Univers (« forme de l'espace », trois dimensions), soit, de façon plus générale, la forme de l'espace-temps tout entier (quatre dimensions : trois d’espace et une de temps).
Si on considère un triangle rectangle dont les côtés de l’angle droit mesurent x et y, alors on compare l’hypoténuse h à la quantité √𝒙²+𝒚²

Si l’hypoténuse est strictement inférieure à cette valeur, l’espace est sphérique (de courbure positive : +)
Si l’hypoténuse est strictement supérieure à cette valeur, alors on a affaire à un espace hyperbolique (courbure négative : -)
Si enfin l’hypoténuse est égale à cette valeur, on retrouve le théorème de Pythagore. Alors on a un
espace plat (de courbure nulle), sa géométrie est euclidienne.
Je ne m’étendrai pas sur les considérations topologiques.
Les représentations visuelles de la courbure ne sont que des visualisations de la courbure à l'aide d'une troisième dimension mais la définition d'une surface bidimensionnelle courbe ne nécessite pas l’existence d'une troisième dimension. Elle est autosuffisante et n’a pas besoin d’être la surface d’autre chose. De même, il n'y a pas besoin d'une quatrième dimension pour définir la courbure d'un espace tridimensionnel.
Au début du XXIe siècle, les observations à travers des télescopes montrent que la forme de notre univers est approximativement plate, tout comme la Terre est plus ou moins plate sur les échelles de moins de quelques milliers de kilomètres. Une analyse des données du satellite artificiel WMAP faite par Jeffrey Weeks, Jean-Pierre Luminet et leurs collaborateurs suggère un Univers dont la forme serait celle d'un espace dodécaédrique de Poincaré. Jean-Pierre Luminet a traduit l'idée que l'Univers puisse être d'extension spatiale finie mais sans bord par le terme d' « univers chiffonné », bien que ce terme ne soit guère utilisé par la communauté scientifique, qui préfère celui de topologie non simplement connexe.
Bilan
Ce sont précisément ces écarts par rapport à la situation euclidienne qui permettent de mettre en évidence et même de calculer la courbure de Gauss d’une variété. J’expliquerai le concept de variété plus tard.
Une autre manifestation de la courbure : le transport parallèle
Si je me déplace dans un plan, avec un vecteur pointant toujours dans la même direction, et que je reviens au point de départ, le vecteur n’a pas changé de direction. Il n’y a pas de courbure.
S’il change, c’est que la variété est courbe.
Par exemple, à la surface de la Terre, je pars du point A, me dirige vers le nord en pointant une flèche toujours dans la même direction, puis vers le point B, longe l’équateur et reviens en A.
Le vecteur a changé de direction, d’un angle α (alpha), qui permet de quantifier la courbure de la sphère.
Le transport parallèle permet de définir rigoureusement ce que signifie « aller tout droit », et donc de définir une autre notion :
celle de géodésique affine (courbe parcourue toujours dans la même direction).
En géométrie riemannienne, il se trouve que les deux notions de géodésiques coïncident : longueur minimale, et toujours la même direction. On parlera alors de « droites ».

THEOREMA EGREGIUM
Le theorema egregium (« théorème remarquable » en latin), dû à Gauss, énonce que la courbure de Gauss d’une surface est conservée par isométrie locale. Ce théorème fait de la courbure de Gauss une caractéristique intrinsèque. Elle ne dépend pas de la manière dont la surface peut être plongée dans l’espace tridimensionnel.
On peut en citer deux applications.
Plier une feuille pour en faire une sphère ? Impossible !
Il est impossible de plier une feuille de papier pour en faire une sphère, car plier la feuille, c’est opérer une isométrie locale. Or un plan a une courbure de Gauss constante égale à 0, tandis qu’une sphère a une courbure constante strictement positive.
Empêcher la garniture de pizza de tomber
On a tous appliqué, sans le connaître, le theorema egregium pour empêcher la garniture de pizza de tomber. En effet, la part de pizza est une portion de plan, donc de courbure de Gauss nulle.
La courbure de Gauss est le produit des courbures principales K1 et K2. Sur la figure de gauche, le poids de la garniture fait fléchir la pizza, donc imprime une courbure K1>0. Mais le produit des courbures principales reste nul, car K2=0, la section rouge est droite.
Pour y remédier, d’instinct, on a toujours appliqué sans le savoir le théorème remarquable. En courbant la croûte, on lui imprime une courbure K2<0. Or le produit K1 x K2 doit rester
nul en vertu du théorème, ce qui impose K1=0. La pizza va donc rester bien droite selon la direction bleue.


RIEMANN ET LES VARIÉTÉS
En géométrie, euclidienne ou pas, on introduit la notion de variété.
Une variété différentielle de dimension n est un ensemble qui, localement, se comporte comme un espace de dimension n (droite en dimension 1, plan en dimension 2, etc).
Commençons par des exemples :
La dimension d’une variété est le nombre de coordonnées qu’il faut pour repérer un point évoluant sur la variété.
Une courbe est une « variété » de dimension 1 parce qu’en chaque point, on peut la détordre pour en faire une droite (on dit la rectifier), sa tangente. Or une droite est un espace de dimension 1 puisque on peut repérer un point évoluant sur la droite par une seule coordonnée, son abscisse.
Une surface (ou une nappe) est une variété de dimension 2 parce qu’en chaque point, on peut la déformer pour en faire un plan, son plan tangent. Or un plan est un espace de dimension 2. On peut en effet repérer un point se déplaçant sur la surface par deux coordonnées.
Exemples


Même si notre espace physique a trois dimensions, et l’espace-temps en a quatre, en mathématiques, on peut travailler sur des espaces abstraits de dimensions supérieures.
La dimension d’une variété différentielle ne dépend pas de l’espace de plongement. Par exemple, la surface de la Terre est une surface (2 dimensions : par exemple longitude et latitude), plongée dans l’espace ambiant à trois dimensions. Mais le fait qu’on puisse la paramétrer avec deux variables ne nécessite pas l’espace ambiant. Une fourmi qui évoluerait en deux dimensions (à la surface de la Terre) saurait parfaitement que deux variables suffisent pour définir son monde (par exemple, longitude et latitude). On dit alors que la dimension est une grandeur intrinsèque. C’est-à-dire indépendante de l’espace ambiant où elle est plongée.
Un espace euclidien est un espace muni d’un produit scalaire, une sorte de multiplication entre vecteurs et qui vérifie certaines propriétés. A savoir : une forme bilinéaire, symétrique, définie, positive. Ne vous inquiétez pas si vous ne comprenez pas ces notions.
Ce produit scalaire permet de parler de longueurs, d’angles, d’aires. Le théorème de Pythagore s’y exprime de façon simple. Par exemple, si on a deux dimensions x et y, la longueur R du vecteur de coordonnées (x,y) vérifie : R²=x²+y²
En trois dimensions, on montre que R²=x²+y²+z² (z étant la troisième coordonnée)
Et ainsi de suite pour les dimensions supérieures.
On a ainsi ce qu’on appelle la métrique euclidienne.
Norme d’un vecteur
Si x et y sont les coordonnées d’un vecteur 𝑢⃗ dans une base orthonormée (𝑖 ,𝑗 ), alors le vecteur 𝑢⃗ s’écrit 𝑢⃗ =𝑥𝑖 +𝑦𝑗
Le carré scalaire de 𝑢⃗ s’écrit : 𝑢⃗ 2=(𝑥𝑖 )2+(𝑦𝑗 )2+2𝑥𝑦𝑖 .𝑗 =𝑥2‖𝑖 ‖²+𝑦2‖𝑗 ‖²=𝑥2+𝑦2 (en effet, les vecteurs 𝑖 𝑒𝑡 𝑗 ont pour norme 1 et sont orthogonaux, donc leur produit scalaire est nul)
Ainsi la norme de 𝑢⃗ est : ‖𝑢⃗ ‖=√𝑢⃗ ²=√𝑥²+𝑦²
Si on renomme x et y en 𝑥1 𝑒𝑡 𝑥2,𝑐𝑒𝑙𝑎 𝑑𝑜𝑛𝑛𝑒 ‖𝑢⃗ ‖=√𝑥1²+𝑥2²
En dimensions supérieures, si le vecteur 𝑢⃗ a pour coordonnées (𝑥1,𝑥2,…,𝑥𝑛) dans une base orthonormée, alors on peut montrer que sa norme est égale à la racine carrée de la somme des carrés des coordonnées.
‖𝑢⃗ ‖=√𝑥1²+𝑥2²+⋯+𝑥𝑛²
A partir de l’élément de longueur, le calcul intégral permet de calculer la longueur totale d’une courbe.
Calcul de la longueur d’un arc de courbe


C’est ce qui a permis à Archimède de calculer approximativement le périmètre d’un cercle, en considérant qu’un cercle est une sorte de polygone régulier ayant une infinité de côtés.
Ceci fonctionne sur un espace euclidien, c’est-à-dire avec théorème de Pythagore classique.
A savoir 𝑑𝑠²=𝑑𝑥1²+𝑑𝑥2²
On peut toutefois étendre ce raisonnement à d’autres métriques ou pseudo-métriques donnant le carré de l’intervalle élémentaire 𝑑𝑠² en fonction des 𝑑𝑥𝑖.
Produit scalaire sur une surface (deux dimensions)
Dans le cas euclidien, l’élément de longueur ds vérifie : ds²=dx²+dy², c’est le théorème de Pythagore classique.
Dans le cas général, non euclidien, ds² aura une forme plus compliquée qui fera intervenir dx², dy² et le produit croisé dx.dy. Plus précisément : ds²=Edx²+2Fdxdy+Gdy²
Pour E=1, F=0 et G=1, on retrouve la métrique euclidienne.
Avec la méthode vue plus haut, on pourra calculer la longueur d’une courbe tracée sur la surface.
Applications conservant les distances
Une transformation qui conserve les distances est appelée une isométrie.
Si f est une isométrie, si on se donne une base orthonormée, et si 𝑣 (𝑦1,𝑦2,…,𝑦𝑛) est l’image de 𝑢⃗ (𝑥1,𝑥2,…,𝑥𝑛) par f, alors la longueur de 𝑢⃗ est égale à la longueur de 𝑣 , donc on a :
𝑥1²+𝑥2²+⋯+𝑥𝑛 2=𝑦1 2+𝑦2 2+⋯+𝑦𝑛²
La somme des carrés des coordonnées est donc un premier exemple d’invariant par isométrie.
Les isométries de l’espace 3d usuel sont les rotations et les symétries par rapport à un plan (symétries miroir, appelées aussi réflexions). Les rotations sont les isométries qui conservent l’orientation. On les appelle les déplacements.
Logique : quand on change de point de vue sur un objet solide, ses points conservent les mêmes distances entre eux. Il ne change pas de forme.
Nous verrons un autre d’invariant au chapitre sur la relativité restreinte.
Métrique dans une variété riemannienne
Une variété riemannienne peut être vue comme une extension du concept d’espace euclidien.
En géométrie riemannienne, l’élément de longueur n’obéit plus au théorème de Pythagore classique, mais à une généralisation, une formule un peu plus compliquée, qui fournit l’élément de longueur en fonction des variations infinitésimales de chaque coordonnée. Ainsi l’expression du théorème de Pythagore rectifié exprime ce qu’on appelle la métrique associée à la variété, le ds², qui est le carré de l’élément de longueur. Cet élément de longueur permet de définir un produit scalaire à peine plus compliqué que dans le cas euclidien, donc de calculer la longueur d’une courbe sur la variété donnée, toujours par le calcul intégral. Le produit scalaire permet aussi de calculer des angles, des aires.
La différence entre riemannien et pseudo-riemannien s’illustre dans la théorie de la relativité.
Tenseur métrique
Dans une variété riemannienne, la métrique ds² est encodée dans une matrice (un tableau) appelée le tenseur métrique.
Si cette matrice a n lignes et n colonnes, le coefficient situé à la ligne i et à la colonne j correspond au coefficient du terme 𝑑𝑥𝑖𝑑𝑥𝑗 dans l’expression de ds².
Il en résulte que le coefficient diagonal de ligne i et colonne i est celui de 𝑑𝑥𝑖𝑑𝑥𝑖=𝑑𝑥𝑖².
Deux exemples pour n=3
On se donne deux matrices carrées 3x3 : 𝐼3=(100010001) 𝑒𝑡 𝑔=(130310002)
Le tenseur donné par la matrice 𝐼3 correspond à des coefficients égaux à 1 pour les 𝑑𝑥𝑖², et aucun terme croisé. Donc 𝑑𝑠²=𝑑𝑥1²+𝑑𝑥2²+𝑑𝑥3²
C’est exactement le théorème de Pythagore en dimension 3. Donc la matrice 𝐼3 (qu’on appelle par ailleurs la matrice identité) correspond à la métrique euclidienne.
Dans la matrice g, les coefficients de 𝑑𝑥1² 𝑒𝑡 𝑑𝑥2² sont égaux à 1 (𝑑𝑥1²+𝑑𝑥2²)
Le coefficient de 𝑑𝑥3² est 2 (2𝑑𝑥3²)
Enfin, les coefficients de 𝑑𝑥1𝑑𝑥2 et 𝑑𝑥2𝑑𝑥1 sont tous les deux égaux à 3 (donc 3𝑑𝑥1𝑑𝑥2+
3𝑑𝑥2𝑑𝑥1=6𝑑𝑥1𝑑𝑥2)
En additionnant tout ça, on trouve la métrique suivante :
𝑑𝑠²=𝑑𝑥1²+𝑑𝑥2²+2𝑑𝑥3²+6𝑑𝑥1𝑑𝑥2
Spoiler : La métrique de Minkowski en relativité restreinte
Le tenseur associé à la métrique de Minkowski rencontrée dans la relativité restreinte est le suivant:

C’est une matrice 4x4, donc il y a quatre dimensions : x1, x2, x3, x4, qu’on renommera x, y, z, ct
Les coefficients hors diagonale sont nuls, donc il n’y a pas de terme croisé (du type 𝑑𝑥𝑖𝑑𝑥𝑗)
Les trois premiers coefficients diagonaux sont égaux à 1, ce sont les coefficients des trois premiers termes 𝑑𝑥𝑖², ce qui fait une contribution 𝑑𝑥1²+𝑑𝑥2²+𝑑𝑥3²,é𝑐𝑟𝑖𝑡 𝑎𝑢𝑠𝑠𝑖 𝑑𝑥²+𝑑𝑦²+𝑑𝑧²
Le dernier coefficient diagonal est -1, c’est le coefficient de 𝑑𝑥4², soit la contribution −𝑑𝑥42,𝑟𝑒𝑛𝑜𝑚𝑚é 𝑒𝑛−𝑐²𝑑𝑡²
Finalement, la métrique de Minkowski s’obtient en rassemblant ces différentes contributions, ce qui donne le carré de l’intervalle d’espace-temps suivant : 𝑑𝑠²=𝑑𝑥1²+𝑑𝑥2²+𝑑𝑥3²−𝑑𝑥42,𝑟𝑒𝑛𝑜𝑚𝑚é 𝑒𝑛 𝑑𝑠2=𝑑𝑥2+𝑑𝑦2+𝑑𝑧2−𝑐²𝑑𝑡²
En fait le signe moins devant c²dt² fait que ce n’est pas tout à fait un produit scalaire. Aussi parle-t-on plutôt de pseudo-métrique, plutôt que de métrique.
On le retrouvera au chapitre sur la relativité restreinte.
L’espace-temps associé à cette « métrique » est qualifié de « plat ».
Le tenseur de courbure de Riemann
Soit deux géodésiques d'un espace courbe, parallèles au voisinage d'un point P. Le parallélisme ne sera pas nécessairement conservé en d'autres points de l'espace. Le tenseur de courbure de Riemann exprime l'évolution de ces géodésiques l'une par rapport à l'autre. Plus l'espace est courbe, plus les géodésiques vont se rapprocher ou s'éloigner rapidement.
GÉOMÉTRIE NON EUCLIDIENNE ET RELATIVITÉ
Dans les deux relativités (restreinte et générale), selon qu’on est en présence de masse ou pas, les objets, conformément au principe d’inertie, suivent des mouvements rectilignes uniformes (droites à vitesse constante, égale à la vitesse de la lumière) dans l’espace-temps. Seulement, les droites elles-mêmes sont courbes dans un espace-temps courbe. On peut les calculer à l’aide de l’équation des géodésiques, donnée elle-même par le tenseur métrique.
Relativité restreinte
En 1905, Einstein publie sa théorie de la relativité restreinte. Dans cette théorie, la vitesse de la
lumière est la même quel que soit l’observateur. Il en résulte que les transformations de Galilée (on additionne les vitesses) sont remplacées par celles, plus compliquées, de Lorentz. Je vous les épargne. Il en résulte une invariance de l’intervalle d’espace-temps ds qui vérifie la relation : ds²=dx²+dy²+dz²-(cdt)²* (théorème de Pythagore tordu à cause du signe moins)
*Pour des raisons d’homogénéité, on place un c devant dt, pour que cdt soit une longueur (une vitesse multipliée par une durée). Après tout, on n’additionne pas des longueurs avec des durées ! Autant additionner des choux avec des patates !
Ça rappelle franchement une métrique riemannienne, mais le signe moins devant le paramètre temporel change la donne. Car alors ds² peut être négatif ! On perd le caractère défini positif du produit scalaire. On parle alors de métrique pseudo-riemannienne, ou de pseudo-métrique de Minkowski (ou encore lorentzienne).
Ce signe moins va avoir des conséquences importantes en relativité, notamment dans les diagrammes de Minkowski, car il va y avoir trois types d’intervalles d’espace-temps :
- Ceux pour lesquels ds²>0 (signe +) qu’on appelle de genre temps. Dans ce cas, les événements aux extrémités de l’intervalle peuvent être causalement reliés.
- Ceux pour lesquels ds²<0 (signe -) qu’on appelle de genre espace. Les événements ne peuvent pas être causalement reliés. Ils sont dans un Ailleurs l’un pour l’autre. Il faudrait en effet aller plus vite que la lumière pour aller de l’un à l’autre, ce qui est impossible !
- Et ceux pour lesquels ds²=0 qu’on appelle de genre lumière.
Ce dernier cas est logique : si ds²=0, alors dx²+dy²+dz²=(cdt)², autrement dit la vitesse du mobile est la vitesse de la lumière. Il faut aller à la vitesse de la lumière pour aller de l’un à l’autre. Le temps ne s’écoule pas quand on va à la vitesse de la lumière (le zéro du ds²).
A

B

Explication de la figure A :
On considère un mouvement sur une droite, à vitesse constante v (mouvements vers la droite).
La position du mobile à l’instant t est donc x=vt. Elle est repérée par l’événement de coordonnées (x, vt), qui évolue selon une courbe (ici la droite verte), qui est l’ensemble des événements rencontrés par le mobile. C’est l’équation de la droite verte, appelée la ligne d’univers du mobile.
Si le mobile se déplace à la vitesse de la lumière c, alors x=ct, équation de la droite violette.
Du fait que v est toujours inférieur à c, les lignes d’univers (les lignes possibles) sont à gauche de la ligne violette, qui représente donc une limite (une des deux branches de ce qu’on appelle le cône de lumière). L’autre branche est obtenue pour les vitesses négatives (mouvements vers la gauche).
Explication de la figure B :
Cette fois, on s’autorise une dimension de plus. On imagine un mouvement dans un plan. Tout ce qui se déplace à la vitesse de la lumière se situe sur un cercle de rayon ct, donc qui engendre un cône, appelé le cône de lumière (ds²=0).
Les événements reliés causalement sont à l’intérieur de ce cône (passé et futur), ce qui correspond à ds²>0.
Ce qui est hors du cône de lumière (ailleurs), correspond à ds²<0. Hors d’atteinte.
L’intervalle d’espace-temps ds²=dx²+dy²+dz²-(cdt)² est un invariant relativiste
L’intervalle d’espace-temps ne varie pas d’un observateur à un autre qui serait en mouvement rectiligne (ligne droite), et uniforme (vitesse constante). Ce ds est ce qu’on appelle en physique un invariant relativiste. Autrement dit, si (x, y, z, t) et (x’, y’, z’, t’) sont les coordonnées d’un même événement dans deux référentiels R et R’ en mouvement rectiligne uniforme l’un par rapport à l’autre, alors x²+y²+z²-c²t²=x’²+y’²+z’²-c²t’². La relativité restreinte ne concerne que les référentiels se déplaçant en ligne droite et à vitesse constante. On en avait déjà vu pour les espaces euclidiens avec les isométries. En relativité restreinte, ce qui joue le rôle des isométries, ce sont les transformations de Lorentz, qui permettent de passer du point de vue d’un observateur au point de vue d’un autre.
La vitesse de la lumière est la même dans tous les référentiels
Petite application rigolote : si ds²=0, alors il vaudra zéro quel que soit l’observateur. Donc le mobile se déplace à la vitesse de la lumière pour les deux observateurs à la fois. Ce qui peut choquer car la vitesse dépend normalement du mouvement de l’observateur. Cette particularité est propre à la vitesse de la lumière. Elle constitue même l’un des deux principes de la relativité restreinte : « la vitesse de la lumière est la même pour tous les observateurs ». Ce qui peut heurter car si on est dans un train qui se déplace à la vitesse v, et qu’on se déplace dans le wagon à la vitesse w, alors notre vitesse par rapport au quai est v+w. Eh bien pour la lumière, ce raisonnement ne marche pas. Un photon envoyé dans le wagon se déplace à la même vitesse, que ce soit par rapport au wagon ou par rapport au quai !
Pire, la formule u=v+w (due à Galilée) ne marche que si on a des vitesses petites devant la vitesse de la lumière. Pour des vitesses relativistes, la loi de composition des vitesses a une expression plus compliquée, mais qui permet de retrouver la loi de Galilée comme approximation, et l’invariance de la vitesse de la lumière.
Si notre train se déplace à la vitesse w par rapport au quai, et si on envoie un objet à la vitesse v dans le wagon, alors la vitesse de l’objet par rapport au quai est notée u, et on a la formule : 𝑢=𝑣+𝑤1+𝑣𝑤𝑐²
Si v est égal à c, on retrouve u=c aussi. La vitesse de l’objet est donc la même, que ce soit par rapport au wagon, ou par rapport au quai.
Si v et w sont négligeables devant c, alors on retrouve la version galiléenne : u=v+w.
Le signe moins dans la métrique en fait plutôt une pseudo-métrique, et fait jouer à la variable temps un rôle particulier. Il entraîne que les géodésiques sont les trajectoires qui maximisent le temps propre*, et non plus celles qui le minimisent.
*Le temps propre d’un observateur est celui qu’indiquerait une horloge immobile pour cet observateur.
Par exemple, dans le paradoxe des jumeaux, où un des frères part de la Terre à une vitesse proche de celle de la lumière et revient, et l’autre reste sur Terre, le temps propre de celui qui est resté sur Terre est supérieur à celui qui est parti puis revenu. Du coup, celui qui est resté sur Terre a plus vieilli que son frère voyageur !
Si on note (x, y, z, ct) les coordonnées d’un événement pour un observateur donné, le tenseur métrique s’écrit :

Ce tenseur est celui de ce qu’on appelle la pseudo-métrique de Minkowski, rencontrée dans la relativité restreinte. C’est-à-dire dans un espace-temps qu’on qualifiera de « plat » (espace-temps de Minkowski). Pseudo car ce n’est pas tout à fait une métrique au sens où elle est associée à une forme bilinéaire symétrique, certes, mais cette fois pas définie positive, comme on l’exigeait d’un produit scalaire et d’une métrique riemannienne (rappelez-vous !)
En présence de matière et d’énergie, le tenseur métrique n’est plus aussi « simple ». Il vérifie l’équation d’Einstein. Pas E=mc², mais l’autre, qu’on appelle l’équation du champ, plus complexe, qui relie la géométrie de l’espace-temps à son contenu en matière et en énergie. Je vous l’épargne. C’est alors le domaine de la relativité générale, la théorie qui explique la gravitation comme la manifestation de la courbure de l’espace-temps due à la présence de matière et d’énergie (cf mon article sur la Gravitation).
Relativité générale
En relativité restreinte, l’espace-temps est « plat » (on parle d’espace-temps de Minkowski et de géométrie lorentzienne), c’est une variété pseudo-riemannienne à quatre dimensions : trois dimensions d’espace et une de temps. La métrique est donnée par ds²=dx²+dy²+dz²-c²dt², là où en géométrie euclidienne, elle donnerait, en vertu du théorème de Pythagore : ds²=dx²+dy²+dz²+c²dt².
En relativité générale, l’équation principale est l’équation du champ d’Einstein. Cette équation relie la géométrie de l’espace-temps à son contenu en matière et en énergie. La gravitation apparaît alors comme la manifestation de la courbure de l’espace-temps en présence de matière et d’énergie.
La géométrie de l’espace-temps est entièrement décrite par un objet mathématique appelé un tenseur. Ce tenseur (appelé le tenseur métrique) encode la métrique de l’espace-temps, et permet de calculer l’équation des géodésiques. Et donc des trajectoires des corps au voisinage d’un astre massif (planète, étoile, trou noir, etc).
L’équation d’Einstein est souvent difficile à résoudre, sauf dans des cas simples, comme par exemple la métrique de Schwarzschild.
CONCLUSION
Nous avons vu d’abord que la géométrie apprise en premier à l’école, celle qui se fait par exemple sur une surface plane, s’appelle la géométrie euclidienne, du nom du mathématicien grec Euclide. Elle repose sur cinq propositions de base, appelées axiomes.
Le cinquième de ces axiomes est indépendant des quatre premiers et peut parfaitement être violé. On entre alors dans des géométries que l’on qualifie de non euclidiennes.
Nous avons vu trois façons de distinguer la géométrie euclidienne classique de ces géométries non euclidiennes, à savoir le théorème de Pythagore, la somme des angles d’un triangle, le périmètre d’un cercle.
Ces indices permettent de mettre en évidence d’une part la courbure, qui, nous l’avons vu, est une notion intrinsèque, qui rend compte de façon quantitative de l’écart à la situation euclidienne (qualifiée de plate). Selon le signe de cette courbure, on est en géométrie euclidienne, sphérique ou hyperbolique. Ainsi, à la surface d’une sphère comme la Terre, on est en géométrie sphérique, et à la surface d’un hyperboloïde, on est en géométrie hyperbolique.
D’autre part, la forme que prend le théorème de Pythagore permet de classer les géométries en euclidienne, riemannienne, ou pseudo-riemannienne.
Les géométries non euclidiennes rencontrent un certain écho en physique, notamment sur la question de la forme de l’Univers, qui fait appel à la notion de courbure, et surtout en relativité, qui, elle, fait appel à la notion de métrique. Une métrique permet de calculer des distances et des angles dans une variété comme l’espace-temps, et ainsi de calculer les trajectoires des corps en mouvement, puisque ceux-ci décrivent des courbes optimisant la distance parcourue, qu’on appelle des géodésiques.
En géométrie euclidienne classique, les courbes qui minimisent le chemin parcouru sont les droites.
Mais les droites sont elles-mêmes courbes quand c’est l’espace-temps (ou la variété) qui est courbe (c’est-à-dire non euclidien).
Or, et c’est un résultat fondamental de la relativité générale, la présence de matière et d’énergie courbe l’espace-temps et donc plie sa géométrie, dictant alors aux corps en mouvement leur trajectoire à proximité d’un astre massif comme une planète, une étoile, ou, cas plus extrême, un trou noir. C’est ainsi que la relativité générale explique le phénomène de la gravitation. La gravitation n’est plus, comme l’avait théorisé Newton, une force entre deux corps, mais elle est la manifestation de la courbure de l’espace-temps due à la présence de matière et d’énergie. Cette courbure est encodée dans le tenseur métrique et le tenseur de courbure de Riemann, qui obéissent à une équation due à Einstein, appelée l’équation du champ. Attention, ce n’est pas la célèbre formule E=mc², mais une autre équation, plus compliquée, que je vous épargne.