
Peintres, photographes, graphistes, écrivains littéraires ou scientifiques, réalisateurs vidéos, les créateurs du Vent du large vous présentent leurs oeuvres.
Zâzhâr
Nouvelle de Sivana
1er épisode
« La psychose est un essai de rigueur. »
Jacques Lacan
Voici l’histoire triste et terrible d’un homme confronté à Dieu et qui, depuis sa première
rencontre avec l’Être suprême cherche le paradis avec pour seule arme son unique et
nécessaire qualité: l’humilité.
Cet homme au destin mystérieux un jour qu’il était fou d’angoisse comprit instantanément
et de façon fugace que les extraterrestres existaient. Comment ?
La télévision semblait en plein délire, il avait vu deux personnes manger dans un fastfood,
et pendant qu’elles mangeaient, elles essayaient de ne faire attention à rien; comme si le
monde extérieur était hostile.
Surtout il ne fallait pas faire attention aux créatures bizarres qui volaient en quelque sorte
autour d’eux.
Ils étaient là, les bizarres personnages, les êtres que plus tard, Môhrn, le héros de cette
aventure, avait surnommés « Les Sages-Psi » ou encore « Les profs de gym ».
Tous en train de voler, équipés de talkie-walkie ils étaient partout dans le restaurant, ou
plutôt ils occupaient tout l’espace visible, ils essayaient de rendre service on le sentait
sinon on le devinait.
« Que faut-il pour vous servir ? », ou « Que désirez-vous ? », tel semblait être leur
message que l’on ne pouvait deviner que par télépathie, et non pas par l’écoute de leur
langue, tellement elle était dense, embrouillée, vague et zézayante et crépitante comme
les grésillements d’une radio. On ne pouvait qu’avoir très peur d’eux, malgré leur
amabilité, et c’était le mystère, (et aussi leur couleur verte et marron, et la longueur de
leurs corps environ sept à huit mètres.)
Ainsi, Môhrn qui auparavant n’avait jamais déliré, délira pour la première fois.
Lui qui fumait la cigarette et n’arrivait pas à s’arrêter, lui qui était terriblement anxieux à
cause du tabac, il comprit que la seule solution pour lui était de se diriger vers l’asile
psychiatrique, et s’y faire interner pour fumer dans certaines conditions de sécurité.
Il avait compris.
Les extra-terrestres allaient envahir la planète.
Une fois à l’asile Môhrn constata quelque chose d’éphémère sur le fauteuil où il s’était
assis, comme un petit lion en peluche, et il devina, ou plutôt il craint que ce fût un « Sage-
Psi ».
Ainsi l’invasion de la planète allait commencer. Il entr’aperçut à la télévision la terrible
chose, le premier sommet de l’Alliance Atlantique où alors un sommet Européen et il
détecta le « Sage-Psi » dissimulé dans le congrès.
Ainsi allait l’humanité. Les premiers « hommes-nouveaux » venaient de naître et
progressivement renommeraient chaque ville, chasseraient les anciens occupants. Les
sages-psi avaient commencé leur lente et terrifiante invasion.
Partout, dans les métros, à leur travail, et dans toutes leurs activités, les hommes étaient
repérés et mystérieusement « aspirés » (pourrait-on dire convertis ?) et à l’intérieur de
leurs neurones se greffait l’être extraterrestre.
Même les hommes les plus intelligents, et d’ailleurs surtout eux étaient sélectionnés et
« aspirés ».
C’était un spectacle désolant. Môhrn (qui avait été obligé par les médecins à quitter
l’hôpital) se débattait dans l’angoisse parce que devant lui, sous ses yeux, apparaissaient
les hommes les plus forts, et au moment de « l’aspiration », Môhrn voyait disparaître à
tout jamais l’existence d’une pensée rationnelle, et toute forme de vérité quittait alors la
race humaine.
Môhrn avait très peur.
Il ne savait pas du tout comment ils agissaient.
Il avait l’impression, à son travail, que ces êtres se positionnaient sur les fauteuils, et peu
à peu pénétraient dans son corps.
Alors, Môhrn décida de lutter contre les «Sages-Psi ».
D’abord, il se mit à faire beaucoup de sport. Chaque fois que cela lui fut possible, il fit de
la natation. La natation lui apportait au sein du front une sorte de calme, une surpuissance
intérieure que Môhrn était capable de communiquer à son entourage par des ondes et des
vibrations presque télépathes.
Comme si de ses pensées émanaient une onde, la fameuse onde alpha, découverte par
les neurologues, l’onde même de la volonté.
La pensée alpha lui apporta une solution hélas provisoire.
Puis, comme si les « Sages-Psi » dominaient le monde politique et le patronat Môhrn fut
expédié en camp de torture.
Son patron lui réserva un sort absolument étrange et hideux, et Môhrn ne le comprit que
trop tard.Dans le train qui le conduisait à Cajarc, son futur lieu de détention, il vit son compartiment
investi par des girls-scout très relax qui se livrèrent à un jeu spécial : enlevèrent toutes
leur tennis et commencèrent à allonger leurs jambes en le touchant presque. Môhrn se
sentit approcher par ces pieds en chaussettes et il devina que c’était un viol qui plus tard
devait aboutir à la possession de ses pensées et de son moi intime.
La torture par les « Sages-Psi » commença. Tout d’abord, chose qui surprit Môhrn, c’est
son front qui fut attaqué.
Comme si une lame entrait dans son cerveau, le jeune homme souffrait de la domination
des « sage-psi » en matière de chirurgie.
Il avait l’impression qu’un matériel était introduit dans son crâne. Cela débuta par le front,
puis le reste du crâne et enfin le centre de la volonté situé selon certains psychiatres entre
les deux yeux.
En réalité, il avait tout simplement subi une lobotomie très soignée, et, remplaçant la
partie du cerveau ôtée, il lui fut implanté un matériel hautement sophistiqué, en partie une
caméra infrarouge reliée aux nerfs optiques et en partie un ordinateur sensible à l’influx
nerveux capable de prendre possession de sa volonté pour lui faire faire ce qu’on veut.
Ce qu’on veut? Non. Ce que voulaient les « sages-psi »...
Adieu, l’onde alpha. Môhrn ne posséda plus que « la pensée epsilon », la pensée située
aux coins externes de chaque œil.
Ainsi Môhrn perdit totalement le contrôle de son regard.
L’invasion des « Sages-Psi » avait abouti à sa phase finale et désormais plus personne ne
pouvait à jamais les dénoncer.
La seule chose que pouvait faire Môhrn était devenue arrêter de fumer, la cigarette rend
esclave; il ne fallait pas qu’il soit un esclave des « Pages-Psi », et il fallait chasser cette
domination dont il était victime.
Il est très difficile d’arrêter de fumer.